Le jour d’après. Plaidoyer pour la vie simple.

31 Mar, 2020 | SOCIÉTÉ

Tristan Robet, Fondateur de Béguinage Solidaire : “Le COVID 19 a plongé notre pays dans une crise humaine, économique et politique dont il est difficile de prévoir les suites. Le discours anxiogène employé et les empoignades auxquelles nous assistons aggravent la situation en particulier pour les personnes fragiles.  Mais c’est aussi une occasion unique: poser de nouvelles fondations pour demain.”

Cette vie simple et sans doute beaucoup plus frugale offre toute sa place à l’économie réelle, aux circuits courts, à une solidarité de voisinage, à une vraie écologie humaine, donc à un monde plus humain qui nous permettra de retrouver notre verticalité. 

La fin d’idéologies mortifères

Cette crise révèle de façon brutale la fin de la mondialisation heureuse qui nous faisait trop facilement fermer les yeux sur l’origine de produits de grande consommation fabriqués à l’autre bout du monde par des prisonniers, des déportés, des enfants exploités ou même des ouvriers sous payés pour faire le bonheur du capitalisme spéculatif. Quelqu’un me disait récemment « je m’en fous un peu, ce que je sais, c’est que j’ai gagné beaucoup d’argent ». Cela n’est plus possible.

Elle montre aussi que nous ne pouvons pas croire dans un progrès permanent qui résoudrait toutes les difficultés et tous les accidents. 

Un formidable appel 

Si nous allons devoir faire face à une crise profonde de l’économie, c’est l’occasion d’en repenser les bases pour développer l’économie réelle, celle qui porte un vrai projet d’entreprises au service de l’homme et non pas de la spéculation. Aujourd’hui, la durée moyenne de détention des actions cotées est de 11 jours. Il est impossible de construire l’avenir d’une entreprise sur de tels délais. Les moyens pour limiter la spéculation existent. C’est une question de volonté politique. La lecture de « L’esprit malin du capitalisme »  de Pierre-Yves Gomez, professeur à l’Ecole de Management de Lyon (EMLyon), paru à la fin de l’année dernière est éclairante à ce sujet.

Il faudra aller bien au-delà des engagements de RSE qui ont trop souvent valeur de laisser-passer pour continuer dans la fuite en avant.

Un projet pour l’Homme

Ce changement de paradigme économique demande un projet pour l’Homme et de la volonté. Ce qui va bien au-delà du simple effet d’annonces à la mode. C’est l’occasion de laisser tomber les chimères qui nous ont éloignés du réel par individualisme,  par attrait pour un matérialisme abrutissant qui sont le fruit de la rencontre du libéralisme économique et du libertarisme. Pour sortir de l’idéologie de la déconstruction, nous devons admettre nos limites et aussi notre finitude qui nous ramèneront à ce réel nourricier.  Alexandre Soljénitsyne résumait ainsi cette pensée lors de son discours à Harvard : « Seul l’apprentissage volontaire en soi-même d’une autolimitation radieuse élève les hommes au-dessus du flux matériel de la vie ». 

Profitons de ce temps de silence relatif pour écouter, surtout pour ceux qui se sont éloignés des villes. Nous sommes au début du printemps. C’est le moment d’écouter et de réfléchir à notre lien avec la terre et le cosmos. C’est « notre fonds commun » auquel Jean Rivière nous invitait à revenir dans un livre prophétique, « La Vie Simple » publié en 1969, appel à nous défaire de nos désirs narcissiques et de l’angoisse permanente qui en résulte. 

Cette vie simple et sans doute beaucoup plus frugale offre toute sa place à l’économie réelle, aux circuits courts, à une solidarité de voisinage, à une vraie écologie humaine, donc à un monde plus humain qui nous permettra de retrouver notre verticalité. 

À chacun de nous d’agir maintenant

N’attendons plus que les bonnes décisions viennent “d’en haut”, donc on ne sait trop de qui ou de quoi. Chacun de nous peut être acteur de l’avenir de la cité. C’est évidemment plus exigeant. Commençons par nous rappeler que le plus petit geste est toujours mieux que la plus grande des intentions. Nous pouvons donc commencer à agir localement, dès maintenant, dans notre immeuble, notre rue, notre quartier, notre village. Les idées et les possibles sont innombrables. Les associations, les entreprises qui œuvrent chaque jour nous attendent. Seul le premier pas est difficile et paradoxalement, nous en serons tous plus riches de ce qui compte vraiment. Reprenons le pouvoir d’agir.

Sans oublier les drames humains que vivent des familles frappées par la maladie, ni les sacrifices de ceux qui se consacrent au service des malades, des plus faibles et qui maintiennent les services dont nous avons besoin, nous devons faire de cette crise une opportunité pour rebondir. Applaudir le soir à 20h est un geste symbolique sympathique mais insuffisant. Il faut maintenant préparer l’avenir proche.

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