Le management est-il seulement une compétence ?

11 Sep, 2023 | TRAVAIL

Docteur en Philosophie, Pierre d’Elbée intervient depuis plus de 20 ans dans les organisations professionnelles et associatives. Il cherche à établir des ponts entre le monde du travail et la philosophie, trop souvent cantonnée à un domaine académique. Il creuse ci-dessous toute la palette de compétences, savoir-faire et savoir-être attendus d’un bon management.

Si le management est une compétence, il comporte deux éléments essentiels : il s’apprend, il concerne un savoir-faire technique. Il constitue une habileté pratique et porte principalement sur des process, des choses matérielles, des chiffres, des disciplines.

Pierre d’Elbée

Une compétence, pas une promotion !

« Le management, c’est une compétence, ce n’est pas une promotion », peut-on lire dans les interviews d’experts du management. On comprend bien que la fonction « management » est trop souvent accordée en récompense à ceux et celles qui ont les meilleurs résultats : puisqu’ils ont bien réussi, ils méritent qu’on leur accorde un périmètre de responsabilité supérieur. Pourtant, on connaît le célèbre principe de Peter selon lequel « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence » : plus on s’élève dans la hiérarchie, plus on s’éloigne de sa compétence initiale.

Si le management est une compétence, il comporte deux éléments essentiels : il s’apprend, il concerne un savoir-faire technique. Il constitue une habileté pratique et porte principalement sur des process, des choses matérielles, des chiffres, des disciplines. Effectivement, le management comporte des compétences, comme la communication, la prise de décision, la gestion du temps, la résolution de problèmes… Ce sont autant de savoir-faire nécessaires pour bien l’exercer.

Mais aussi une pratique éthique !

Mais la pratique managériale déborde largement la compétence. On parle souvent de savoir-être, mais cette expression n’existe pas dans le dictionnaire et elle reste floue. Le mot approprié me semble être l’éthique. Comme la compétence, l’éthique s’apprend, mais à la différence de la compétence elle concerne un « savoir-agir » qui porte directement sur les personnes.

Sans justice, le leadership est destructeur

Prenez le leadership. C’est partiellement une compétence. : si l’on n’apprend pas à devenir charismatique, on peut apprendre à s’affirmer. Mais sans justice — qualité éminemment éthique — le leader peut devenir détestable, en harcelant ses employés, en les privant de reconnaissance légitime, en détruisant son équipe. La compétence ne suffit pas, loin de là.

Sans souci de la vérité, la communication est manipulatrice

Autre exemple, la communication. On peut disposer de compétences comme savoir parler, convaincre… Mais dès que la communication devient stratégique et engage les collaborateurs, les critères s’élargissent, on doit conjuguer le droit à l’information utile et le secret de certaines décisions, le respect des personnes et l’impératif de vérité, notamment quand on doit annoncer quelque chose de difficile à un employé… Au-delà de la compétence, communiquer demande esprit de finesse, humanité, courage et maîtrise des émotions qui sont des qualités éthiques.

Sans réalisme, la gestion du temps est pur volontarisme

Un dernier exemple : la gestion du temps. Combien de salariés sont capables de faire un diagramme de Gantt et ne s’y tiennent pas ! Une chose est la connaissance des outils d’organisation, autre chose est l’intégration de ces outils dans le quotidien. Cela suppose la prudence sous la forme de réalisme, de sagesse pratique appliquée à la vie de tous les jours. On sort de la compétence technicienne pour entrer dans une attitude qui respecte ce dont on est vraiment capable et les éléments clés d’un projet.

Réconcilier l’éthique et le management

On a trop souvent peur de parler d’éthique en matière de management. Le cantonner aux compétences est une façon de le dépersonnaliser : on se forme au management comme on se forme à la comptabilité. Non, il nous paraît impossible de faire l’économie de l’éthique dans la fonction managériale sans prendre le risque de la dénaturer et de lui enlever ses lettres de noblesse…


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