Nov. 2015. Dans le cadre du Parcours Cap 360°, nous avons choisi de creuser le thème du TRAVAIL. Et décrypter ce que pourrait en être la vision “écologie humaine”. Ci-dessous, l’interview de Benoit Bréchignac, coordinateur du Courant pour une écologie humaine, à Lille.
Courant pour une écologie humaine : “Bonjour Benoit, peux-tu nous dire quelques mots d’introduction sur le thème du travail ?”
Benoit Bréchignac : “Commencer nos soirées thématiques de la form’action Cap 360° par le TRAVAIL n’est pas anodin car le sujet est vaste et important. Le travail, salarié ou non, est une réalité qui concerne chacun d’entre nous au cœur de nos vies et dans notre quotidien.
Concrètement, le fait de travailler me sert à gagner ma vie et en cela il est vital pour moi et pour faire vivre ma famille.
Si je vais un peu plus loin, je peux aussi me dire que mon travail, mon entreprise, sont des acteurs de l’économie et donc créent de la valeur. En prenant un peu de recul, je me dis aussi que mon travail – et le fait que d’autres aussi, comme moi, travaillent – participe à la cohésion d’une communauté ou d’une nation.”
CEH : “Et pourtant, chaque jour on constate que la réalité du travail est très différente dans le vécu réel des gens. Il y un vrai paradoxe entre la valeur forte et positive du travail et la perception d’un lieu, qui peut s’avérer être un lieu de souffrance et de déshumanisation, amplifiée par la crise économique…”
BB : “OUI, le travail est vital. Il doit être source de vie pour la personne… il est important de se rappeler que le travail est fait pour l’homme et non l’inverse !”
CEH : “Alors, quel regard écologique pouvons-nous proposer sur le travail ? Comment mettre le bien de la personne, et de toute la personne, au cœur du travail ?”
BB : “Il y a 3 dimensions que nous pouvons identifier par un triple questionnement :
1. En quoi le travail permet-il le développement de la personne et de toute la personne ?
Le sujet du travail, c’est la personne. C’est celui qui effectue le travail.
Dans son travail, d’une part, la personne exerce ses talents, ses compétences, participe à la production d’un produit ou à la délivrance d’un service. Dans ces actes concrets, la personne peut exprimer ce qu’elle est, mobiliser ses aptitudes, ressentir des émotions…
Ce premier questionnement en abrite un second : en quoi le management et les organisations créent-elles ces conditions positives ?
Idéalement, le travail doit permettre le développement de toute personne et lui permettre d’être acteur de la construction du monde. Par son travail, l’homme participe à la création et à l’amélioration légitime de ses conditions matérielles de vie.
Le point d’équilibre est rompu lorsqu’il y a une recherche cupide et déréglée du profit, sans recherche de la modération.”
CEH : “Oui, C’est pour cela qu’une personne sans travail, au chômage, est atteinte et blessée. Car elle est alors privée de sa capacité à donner et à s’exprimer. Quel est le second questionnement ?”
BB : “c’est la question suivante :
2. En quoi le travail créé-t-il de la valeur et comment cette valeur est-elle partagée, le tout, de de manière responsable ?
C’est la dimension objective du travail : l’objet créé (produit, service) est le résultat du travail et en cela le travail est créateur de valeur.
Il y a plusieurs caractéristiques à cette création de valeur :
– Une valeur marchande et commerciale, régie par l’offre et la demande,
– Une valeur financière dans les échanges de biens,
– Une valeur sociale, collective, au sein d’une équipe, d’un atelier, d’une ligne de production , d’une entreprise,
– Une valeur humaine : compétences, savoirs faire, fierté, engagement,
– Une valeur sociétale : acteur de l’économie, cohésion sociale, juste consommation.
En cela, le fait de travailler est bon pour la personne. Elle participe ainsi à une communauté et s’inscrit dans une dimension relationnelle, sociale et collective.
Par ailleurs, il faut prendre conscience que la technique peut avoir un rôle et des conséquences ambivalentes sur l’environnement du travail : la technique peut être source de progrès et de performance mais aussi source de déshumanisation par la robotisation, la globalisation, la dématérialisation du travail…”
CEH : “On a vu la dimension subjective et la dimension objective du travail. On arrive à ton dernier questionnement : quel est-il ?”
BB : “Il s’agit d’un dimension très humaine :
3. En quoi le travail permet-il l’accueil du plus fragile ?
Cela pose la question du travail pour tous et de la capacité des organisations à créer les conditions d’accueil du plus fragile, du plus démuni.
Cela pose la question de l’acceptation par chacun de sa propre limite et ses vulnérabilités. Le monde du travail peut être un lieu où s’exprime l’entraide et la solidarité entre les personnes.
Un monde du travail qui n’intègre pas cette dimension devient un monde inhumain, tyrannisé par la performance et la recherche déraisonnée du profit.
C’est la dignité même de la personne humaine qui se joue dans cette question. Là réside l’exigence de la bienveillance : attention à ne pas créer des systèmes qui se retourneront contre l’Homme !”
CEH : “Que peut-on faire pour faire changer les choses ?”
BB : “Le monde est en crise et il change à toute allure. Ces crises vont nous pousser à imaginer et à repenser les choses autrement. De nouvelles opportunités apparaissent déjà : proposer des modèles plus collaboratifs, plus authentiques, plus émergents, plus ouverts et plus humains.
Ca bouge partout, en ce moment, sur ces questions !
C’est le moment pour nous de nous mettre en marche ensemble pour faire bouger les lignes concrètement, chacun là où nous sommes.”