Le mouvement des CIGALES s’est construit sur le constat qu’il est possible à de simples citoyens d’accompagner ceux qui se lancent dans la grande aventure de la création ou du développement d’entreprise sur un territoire commun. Sam Collaudin et Lucie Watrinet, respectivement président et coordinatrice des CIGALES d’Auvergne-Rhône-Alpes, nous en disent plus.
Redonner du sens à son argent
L’histoire des Clubs d’Investisseurs pour la Gestion Alternative et Locale de l’Épargne Solidaire (CIGALES) démarre en 1983, par la création d’un nouveau statut en faveur du développement des clubs d’investisseurs en bourse. Ce statut est rapidement détourné en faveur de l’émergence d’une finance plus solidaire. L’idée ? Créer des clubs de financement citoyen qui investissent dans de petites et moyennes entreprises / coopératives / associations, sur leur territoire (quartier, ville, département ou région).
Outre l’aide financière, les membres du club apportent leurs compétences, expertises et réseaux. Aujourd’hui, un club se compose de vingt personnes maximum, qui portent le doux nom de cigaliers, réunies en indivision volontaire. Les porteurs de projet choisis (SAS, SARL, statut coopératif, SCOP, SCIC…) investissent leur propre argent dans leur entreprise. Le club CIGALES prend le risque avec le ou les entrepreneurs en investissant au même moment qu’eux dans leur projet (SAS, SARL? Coopérative, CAE…), puis il les accompagne sur une durée d’au moins cinq ans.
Une des valeurs essentielles des Cigales est que son investissement est toujours minoritaire. Le contrôle de l’entreprise est ainsi toujours laissé au porteur de projet. Les cigaliers sont des accompagnateurs, apportant conseils et capital financier, soutien moral et humain.
Une Cigales n’est pas un organisme de prêt et n’accorde ni don ni subvention. Il s’agit uniquement d’investissement, avec l’objectif de récupérer ce capital, sans toutefois chercher à faire des bénéfices.
Choisir le projet à accompagner
Sam Collaudin : “La plupart du temps, ce sont les projets qui viennent à nous. On propose généralement – une à deux fois par an – un appel à projets intitulé Cigales cherchent fourmis. La sélection s’effectue via une gouvernance coopérative et selon notre charte, qui dresse les points importants à prendre en compte concernant notamment les impacts environnementaux, sociaux et culturels du projet.
Il arrive d’ailleurs que plusieurs CIGALES accompagnent le même projet, sur un territoire commun. C’est le cas actuellement avec la coopérative ferroviaire Railcoop, pour la rénovation et la réhabilitation des voies de chemin de fer entre Bordeaux et Lyon.”
Lucie Watrinet : “Les clubs de CIGALES sont indépendants. Au sein de l’association régionale, nous aidons à fluidifier leurs actions, à les mettre en lien si nécessaire et les accompagner s’ils ne trouvent pas de projets. Mais chaque club fixe ses propres règles de choix. Nous cherchons également à à générer la création de nouveaux clubs, bien entendu. Pour moi, c’est une réussite quand je vois des personnes se trouver, créer un club ensemble, le voir se développer et démultiplier ainsi la capacité des cigaliers à soutenir des projets qui ont du sens.”
Revitaliser son territoire
L. W. : “Un exemple récent d’investissement m’a touchée. Il s’agit d’un tiers-lieux – un lieux qui héberge plusieurs activités au même endroit, afin d’en faire naitre des rencontres et des synergies. Ils ont souvent une influence significative sur la revitalisation de territoires oubliés du reste du monde. Dans le Puy-de-Dôme, donc, des cigaliers ont financé une librairie café, le chien qui louche, à Rochefort-Montage. Un projet unique et nécessaire – l’objectif du porteur de projet étant de redonner vie à ce village – mais dans lequel, au départ, aucune banque n’a osé s’impliquer, l’estimant trop risqué. Le cigalier que j’ai eu au téléphone a utilisé cette jolie formule : “les Cigales existent précisément pour soutenir ce type de projet, ceux que personne n’a envie de suivre“. Et de fait, malgré la crise sanitaire, cette librairie a suscité un véritable engouement et elle a effectivement atteint son objectif !”
Devenir CIGALIER
S. C. : “N’importe qui peut devenir cigalier. La fourchette d’investissement mensuel est comprise entre un minimum de 7,50€ et un maximum de 450€. La moyenne nationale tourne autour de 25€ par mois. Devenir cigalier est une expérience très enrichissante. Parce qu’elle permet de se réapproprier une forme de citoyenneté économique : non seulement je peux décider à quoi servira l’argent que je mets de côté tous les mois, mais en plus, je peux avoir un rôle dans l’accompagnement d’entrepreneurs qui ont envie de transformer leur territoire. Et puis, on apprend beaucoup de choses : le fonctionnement d’une entreprise, la façon de sélectionner un projet, lire un business plan…”
L. W. : “Une Cigales est vraiment un outil à disposition de tous pour agir à son échelle. On ne le sait pas toujours, mais notre argent, lorsqu’il est en banque, va financer des projets pour lesquels nous ne sommes pas forcément d’accord. Intégrer une Cigales, c’est reprendre la main et se dire : non seulement, je décide de me réapproprier mon épargne et en plus j’ai un impact local avec des porteurs de projets qui ont du sens à mes yeux, qui essayent de changer les choses à leur échelle. C’est ce double impact qui m’interpelle et m’impressionne.”
S’engager !
S. C. : “Il ne faut surtout pas hésiter à s’engager. Aujourd’hui, nous voyons des dizaines de projets émerger sur l’ensemble du territoire. Et souvent, la difficulté est de trouver des personnes pour les accompagner : on manque énormément de cigaliers en France ! Si vous êtes intéressés, il suffit de venir vers nous et nous ferons au mieux pour accompagner la création de votre club.”