La biodiversité, c’est aussi ces milliers de petites bêtes, les insectes, auxquelles on ne prête pas attention, qui nous font peur, voire nous dégoûtent. Matthieu de Montecler, écologue et passionné d’entomologie (l’étude des insectes), évoque l’importance des insectes pour la vie sur Terre.
Comment s’émerveiller des insectes ? En allant au-delà des petites bestioles qui nous piquent ou nous dérangent à la maison et voir la diversité qui est présente dehors.
Matthieu de Montecler
Un écologue en herbe
Matthieu de Montecler : “Je suis un passionné de nature depuis mon enfance. Mes grands-parents ont beaucoup aidé à alimenter cet engouement. Aujourd’hui, je suis écologue et travaille à Nantes, dans un bureau d’études en environnement. J’y réalise des études d’impact environnemental dans le cadre de projets réglementaires d’aménagement urbain ou périurbain, qui nécessitent des inventaires “faune”, “flore” ou “habitats”.
Mon intérêt pour les insectes m’est venu tardivement ; j’avais jusqu’alors plutôt une affinité pour les oiseaux, les reptiles et les mammifères. Je me suis formé sur les insectes dans mon ancien bureau d’études qui nécessitait des compétences un peu plus poussées sur ce groupe taxonomique. J’y ai découvert un monde passionnant et très varié.
Les ordres (de grandeur)
Les ordres les plus connus sont : les odonates (libellules), les lépidoptères (papillons), les orthoptères (sauterelles, criquets, grillons) et quelques coléoptères, protégés en France. C’est notamment ces ordres qui sont étudiés dans nos études d’impacts.
En plus de ceux cités ci-dessus, on trouve également l’ordre des hyménoptères regroupant les insectes pollinisateurs tels que les abeilles, guêpes et bourdons. Voilà les ordres qui arrivent en tête de liste. Mais il existe une trentaine d’ordres d’insectes à ce jour.
On estime qu’il y a environ 1 million d’espèces d’insectes dans le monde. En comparaison, en France, il y en a autour de 40,000 espèces. Dans le monde, l’ordre le plus nombreux est celui des coléoptères. On estime qu’il y en a à peu près 350,000 espèces dans le monde et 12,000 en France.
Évidemment, ces chiffres évoluent au fur et à mesure : certains scientifiques estiment qu’il y aurait jusqu’à 4 fois plus d’espèces d’insectes à découvrir !
Le b.a.-ba de l’entomologie
Les insectes sont tout en bas de la chaîne alimentaire et ils sont à la base de tout écosystème. Ils sont la proie d’animaux : hirondelles, chauves souris, voire même d’autres insectes…
Par ailleurs, ils participent à la décomposition de la matière organique et au stockage du carbone.
90 % des plantes à fleurs sont pollinisés par les insectes. Sans insecte, on n’a plus grand chose dans notre assiette !
Un insecte est composé de trois parties :
- la tête – antennes, yeux, mandibules -,
- le thorax – ailes et pattes -,
- l’abdomen – systèmes digestif, génital, cœur.
S’intéresser aux insectes
Pour s’intéresser à l’insecte, il suffit de sortir de son chez soi, aller dans son jardin (pour ceux qui ont la chance d’en avoir !) et observer avec attention ce qui est près des fleurs, sous des tas de pierres ou des feuilles mortes ; il y a toujours plein de vie là-dessous !
Quel est cet insecte ? Comment fonctionne-t-il ? Quel est son biotope naturel ? Comment s’alimente-t-il ? À quoi sert-il dans le microcosme dans lequel il évolue ? Et, plus généralement, quelles sont les interactions entre un chemin et les pelouses ou prairies d’à côté ? Etc.
Souvent, les jardins, pour peu qu’ils ne soient pas trop souvent fauchés, sont une bonne source d’observation.
Tant dans les jardins que sur les balcons, on peut installer des hôtels à insectes. Ils permettent une bonne approche pédagogique, en montrant les différents types d’habitats qui sont présents dans la nature ; on va pouvoir découvrir que tel insecte va plutôt nicher dans des cavités, dans des tiges creuses, et tel autre ira plutôt nicher dans le sol.
Prendre soin des insectes
Pour prendre soin des insectes, dans un jardin par exemple, on peut éviter de tondre trop régulièrement et laisser un bout de sa pelouse évoluer naturellement. On remarquera alors une modification de la palette végétale et, de ce fait, une diversité d’espèces plus importante qu’ailleurs dans le jardin. Beaucoup de nos plantes de jardins dites « horticoles » ne sont pas assez productrices de pollen et/ou de nectar et ne sont donc pas très favorables à nos insectes notamment nos pollinisateurs. Ainsi un écosystème « stable » permet d’accueillir une faune beaucoup plus riche.
Il faut prendre conscience qu’une fauche intensive (tontes, broyages) a des conséquences néfastes sur la biodiversité. Une étude a été réalisée à Lyon il y a environ dix ans sur l’importance d’une fauche raisonnée, c’est à dire 1 à 2 fois par an. Elle y montrait qu’en préservant les plantes les plus communes des espaces verts de la ville comme les pissenlits, origan, orties, lierre, plantes aromatiques, ronces, ceci permettait de maintenir une biodiversité assez riche. 350 espèces d’abeilles ont tout de même été identifiées dans le Grand Lyon ! C’est conséquent pour une zone aussi urbanisée.
Les pesticides sont évidemment une cause directe de la chute de la biodiversité, aussi bien pour les insectes que pour la faune en général, notamment les oiseaux. D’autres solutions existent sans avoir recours aux pesticides de manière systématique
Il faut protéger les espaces encore fonctionnels, reconnecter les milieux, en recréant des haies, des strates arborées qui sont souvent des habitats privilégiés pour les insectes. On peut également protéger les zones humides ; elles sont souvent source d’une riche biodiversité, parfois même unique. Dans le monde, on a perdu 75 % des zones humides par un assèchement en vue d’une industrialisation ou d’une culture…
Les causes du déclin de la biodiversité – dont celle des insectes – sont les pollutions lumineuses et la pollution industrielle ainsi que les pesticides ; essayons d’agir à notre hauteur pour les limiter !
Merveilleuse diversité
Je pense qu’un bon moyen de s’émerveiller des insectes, c’est d’aller au-delà de la gêne parfois causée par ces petites bestioles qui nous dérangent, voire nous piquent, à la maison et de porter son regard sur la folle diversité et la beauté qui existe dans le monde. Et prendre le temps de comprendre leur rôle dans l’écosystème global : en quoi la disparition de ces insectes poserait un problème pour l’agriculture ?
Chute de la biodiversité
La chute de la diversité est constatée depuis plusieurs années. Une étude en Allemagne s’est intéressée à une centaine de prairies et à de sites forestiers sur dix années. Elle a démontré qu’il y avait une chute de 2/3 des insectes présents.
Pour découvrir l’état des populations de certains grands groupes – oiseaux, mammifères… -, vous pouvez consulter les listes rouges établies par l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). Des Atlas de biodiversité existent également sur quelques groupes taxonomiques qui permettent aussi d’en savoir plus sur leur écologie, mode de vie, répartition, etc.
Devenir naturaliste
Devenir naturaliste et pouvoir identifier insectes, oiseaux, mammifères… nécessite un peu formation (personnelle et/ou professionnelle) et beaucoup de curiosité ! Connaître le fonctionnement de nos écosystèmes c’est avant tout découvrir et identifier les espèces qui les composent.
Il existe des formations naturalistes proposées par différentes associations naturalistes qui permettent d’avoir une base solide sur l’écologie, l’identification et l’utilisation de clés d’identification des espèces. N’hésitez pas à vous rapprocher de ces structures de vos régions.
S’entourer de personnes compétentes en réalisant des sorties natures et/ou en adhérant à diverses associations permets également d’acquérir de nouvelles expériences ou savoirs !
Poursuivez votre lecture entomologique avec un article sur la blatte germanique : https://www.ecologiehumaine.eu/increvable-la-blatte-germanique/