Einstein a dit un jour : « Notre époque se caractérise par la profusion des moyens et la confusion des intentions. » Ce qu’un visionnaire de la première moitié du XXème siècle pouvait déjà discerner, sommes-nous encore capables de le voir aujourd’hui ?
DEUX PIÈGES A ÉVITER
Le constat d’Einstein reste valable. L’humanité n’a jamais été aussi riche, comme en témoigne le PIB (Produit Intérieur Brut) malgré ses imperfections. Le PIB annuel moyen a ainsi augmenté de 1 000 dollars par personne en 1860 (dollars internationaux constants 2011), à 6 500 dollars en 1979 et 11 500 dollars en 2011. Bien entendu, les pays développés se situent largement au-delà de ces moyennes. Le PIB annuel moyen était de 35 000 dollars par personne en France en 2011.
« La profusion de moyens dont l’humanité bénéficie actuellement est bancale »
Mais attention à ne pas se laisser aveugler par cette prospérité économique. C’est là le premier piège que vise à éviter le mouvement Ecologie Humaine. Le développement économique authentique ne peut pas être limité à une question de « moyens ». Il implique aussi des « intentions » en vue du développement « de tout homme et de tout l’homme ».
Voilà déjà une bonne raison de s’enquérir de ce qui est juste dans l’utilisation des ressources dont nous disposons.
Il existe cependant un second piège à éviter dans la promotion d’un développement authentique : il s’agit du fait que la « profusion de moyens » dont l’humanité bénéficie actuellement est bancale, car assise sur l’extraction de ressources dont les stocks sont limités par rapport aux niveaux de consommation actuels. Un signe en est que, depuis le début des années 2000, la hausse du prix des principales matières premières a compensé la baisse qui avait été constatée sur la totalité du XXème siècle (panier de 33 matières premières, Jeremy Grantham, dirigeant de GMO, 2011). Notre époque est celle d’un « changement de paradigme ».
INTÉGRER LES CONTRAINTES ÉNERGÉTIQUES
Ce sont plus particulièrement les contraintes énergétiques qui doivent retenir l’attention en raison de leurs enjeux économiques et humains. Analyser les situations énergétiques permet de se rapprocher du réel physique, là où l’analyse économique s’en est parfois éloignée pour s’attacher à des conventions comptables et monétaires, telles que le PIB.
Au fond, il n’y a pas de changement sans énergie, et donc il n’existe aucune activité économique qui ne nécessite de l’énergie, qu’il s’agisse de production, de transports ou encore de construction. L’économie repose en effet sur la capacité de revendre des biens ou services après leur avoir apporté un changement qui soit perçu comme une valeur ajoutée.
Même les secteurs des services dépendent largement de l’énergie. Par exemple le secteur bancaire a besoin de locaux, d’ordinateurs, et surtout d’entreprises et de projets auxquels prêter, et qui nécessitent eux aussi de l’énergie. La tendance marquée des pays développés, à l’urbanisation et à la tertiarisation, est elle-même d’abord le résultat de l’abondance énergétique qui a permis d’accroître les rendements agricoles et la productivité industrielle. Le développement d’avantages sociaux au XXème siècle doit aussi beaucoup à l’enrichissement permis par l’abondance énergétique (congés payés, retraites, protection sociale, etc.).
« En matière d’écologie humaine, le ‘court-termisme‘ n’est pas une option »
Il est donc urgent d’intégrer les kilowatt-heures aux réflexions sur le développement. Pour être plus respectueuses de l’homme, les décisions personnelles, économiques et politiques ont aujourd’hui besoin d’être éclairées par une juste compréhension des contraintes énergétiques.
En matière d’écologie humaine, le ‘court-termisme’ n’est pas une option. Ceci a des implications inévitables sur la manière de répartir les ressources limitées dont l’humanité dispose, de façon à ne pas négliger les plus démunis, les personnes plus vulnérables, les pays en développement ou les générations futures. En outre, ceci a aussi des implications essentielles sur le rapport de l’homme à lui-même, à l’argent, à la consommation, à ses devoirs moraux, à son bonheur… Bref, il est bien question non seulement de développement « durable » mais de développement « intégral » !