Dans le cadre de la form’action Cap 360°, Denis, responsable de l’atelier vélo de Saint Symphorien à Versailles, témoigne des nombreuses joies issues de la réparation des vélos. Et si réparer un objet permettait aussi, un peu, de réparer l’âme ?
“Je suis Denis, le créateur et responsable de ce magnifique atelier vélo à Versailles. Nous sommes entre 7 et 10 jeunes gens de mon âge, ainsi que des ados qui nous rejoignent le samedi. L’atelier est ouvert 3 à 4 fois par semaine, une demie journée et nous accueillons tout le monde.
On bricole, on répare. On nous donne des vélos que nous revendons, une fois réparés. Exclusivement du vélo, pas de vélo électrique, ni de moteur. On sauve la mécanique !
Réparer pour rendre service
L’image d’un vélo abandonné et destiné aux encombrants, qui pourrait encore servir, me fait de la peine. Je le récupère et le répare. On n’a pas le droit de jeter ! La réparation rend service.
Vu le nombre de gens qui viennent à l’atelier, pour qui nous réparons un vélo ou qui viennent acheter un vélo pas cher, je peux vous garantir que la réparation rend vraiment service.
Réparer est une activité comme une autre. Nous sommes à l’extérieur, entre copains, quelle que soit la météo.
Si c’est mal de jeter, c’est aussi mal d’acheter quand on n’en a pas besoin. Pourquoi on n’a pas le droit de jeter ? Quand je vois les encombrants ramasser des ordinateurs, c’est encore plus grave que les vélos, ils ramassent de la vaisselle qui pourrait être réutilisée, des jouets d’enfants, ça me parait insupportable.
Emmaüs récupère, les kermesses aussi, des gens échangent et vendent dans les vide greniers. J’ai passé une partie de ma vie dans les vide greniers et je peux vous dire que c’est mal de jeter, point.
Réparer pour exister
Cette activité m’apporte plus que ce que je donne. Elle m’apporte d’abord le sourire des clientes, et à mon âge, ça compte ! Elle m’apporte le regard des gosses qui viennent bricoler avec moi. Je me sens bien, j’existe.
J’ai pris ma retraite depuis un certain temps. Je ne veux pas aller tout de suite en maison de retraite, ce n’est pas l’heure. Je veux exister, faire partie de la société.
Et puis, j’aime aussi qu’on dise du bien de moi…
Avant tout, réparer rend service et rendre service est une justification en soi. Rendre service aux gens, c’est participer à la vie publique.
Réparer pour transmettre
On accueille les gosses de 10 ans, deux fois par an, pendant quelques jours. On leur apprend à démonter un frein sur leur vélo. A 12 ans, on commence à les accepter en tant qu’apprenti bricoleur. L’apprentissage dure quelques années. A 18 ans, les jeunes s’occupent de mobylette, le vélo c’est fini ! Transmettre ce que nous savons, c’est une passion, et on ne transmettra jamais assez.
C’est la joie du père de famille, du professeur, du grand père. Ce que je n’ai pas réussi à faire avec mes gosses, à transmettre mon goût du bricolage, ce que je n’arrive pas faire avec mes petits enfants, je le fais donc avec les enfants des autres.
Réparer, source de nombreuses satisfactions
Lorsque j’ai passé des heures et des heures de travail sur un vélo et qu’il marche enfin, je suis alors content. Quand les vélos sont prêt à être livrés, c’est une satisfaction. On prend un tas de ferraille et on en a fait quelque chose qui marche, c’est une grande satisfaction.
A l’atelier, on n’a que des satisfactions : les clients sont satisfaits, les donateurs sont satisfaits, et ils sont nombreux, celui qui nous prête le local est satisfait, les copains qui bossent sont heureux. Je vois des chômeurs qui ont besoin de s’occuper les mains et la tête. Ils viennent ici et ça leur fait un bien fou. Les retraités se sentent aussi exister. Réparer un vélo pour un client est une activité sociale et c’est important.
Réparer un vélo me fait du bien. Au fond, réparer un vélo répare l’âme.“