Thierry, un sénior alerte de Saint-Cloud, ayant participé aux assises de 2014, découvre actuellement le parcours Cap 360° . Il vous livre ci-dessous, de façon spontanée, ce qu’il perçoit de la philosophie et de l’anthropologie du Courant pour une écologie humaine (CEH).
« Le CEH met en avant l’Homme comme mesure de toutes choses. L’Homme se donne d’ailleurs à voir à travers des bases anthroprologiques fortes. Celles-ci se donnent à découvrir dans le manifeste du CEH – qu’il faut absolument lire ! – mais plus encore dans les exposés des co-fondateurs et dans leurs propositions, car les messages nous parviennent alors de façon vivante et toujours accompagnés de propositions d’actions concrètes pour traduire en acte ces idées.
Le texte qui suit est un témoignage sans prétention : celui d’un membre du CEH, séduit par les assises de décembre 2014 – la révolution de la bienveillance – et qui a voulu aller plus loin avec ce Courant. Ces propos n’engagent donc que moi.
Le CEH, tel que je le comprends, le reçois, et tel qu’il me plait de le suivre, semble s’inscrire dans un héritage de pensées qui doit beaucoup à Maritain, Mounier, ainsi qu’à Karol Wojtyla (Jean-Paul II) et Ratzinger. J’y vois une grande proximité avec l’anthropologique chrétienne et avec des mouvements philosophiques d’importance. Il replace dans notre époque leurs philosophies, et ajoute à l’humanisme intégral de Maritain et au personnalisme de Mounier, l’obligation de prise de conscience du phénomène écologique, revisité en partant de l’Homme dans sa totalité. D’autre part, il apporte génialement le concept de bienveillance, présenté dans le cadre d’une révolution, comme ciment de nos rapports humains.
Héritage de Maritain
Il me semble donc retrouver certaines des idées fortes de Maritain, même si celles-ci ne sont pas reprises explicitement par le CEH : celle de « l’humanisme intégral » qui inclut une dimension de transcendance propre à la personne humaine, avec primauté du spirituel sur le temporel et qui oppose à l’humanisme « anthropocentrique » (tourné vers l’Homme) un humanisme théocentrique (tourné vers Dieu) ; celle qui demande l’avènement d’une démocratie au service de la personne et du bien commun ; celle qui donne un devoir d’action aux laïcs pour une « civilisation profane catholique ». A noter que Maritain pose également l’universalité des droits de l’homme comme fondement du pacte social.
Héritage de Mounier
Plus encore, le lien avec le personnalisme de Mounier m’apparaît dans l’approche humaniste du CEH. Mounier, également philosophe chrétien comme Maritain, est un « intellectuel engagé » qui insiste sur l’importance de l’action. Le personnalisme est un courant philosophique qui met en avant la notion de personne (et non pas celle d’individu), réceptacle de dignité humaine, et sur laquelle la société doit s’appuyer. La personne ainsi comprise est en évolution, en dépassement continuel. J’aime cette belle idée de Mounier et qui devrait plaire au CEH, celle qui dit que la personne est un mouvement de transcendance, vers soi-même car la personne n’est pas achevée, vers autrui car la personne sans autrui n’est rien, ainsi que vers les valeurs (qui n’existent qu’à travers les personnes).
J’aime également l’idée qu’il exprime ainsi : « la personne est une existence capable de se détacher d’elle-même, de se déposséder, de se décentrer pour devenir disponible à autrui ». Cette notion d’oubli de soi-même ne devrait-elle pas être l’aboutissement visé de ce mouvement de « transcendement » comme il l’appelle ? Je suis sensible au message de Jean Vanier qui parle de « grandir en amour » et je retrouve dans cette idée de grandir, celle de grandir « par, pour et à travers les autres », une base pour un humanisme d’intersubjectivité (un humanisme qui reconnait que l’homme se constitue et constitue son monde dans les relations avec autrui). Mounier déplore cette société libérale dont il prévoit les excès, dominée par l’argent et qui place les revenus du capital avant ceux du travail. Prophétique, il combat l’extension (la mondialisation) du « désordre établi ». Il s’oppose frontalement, comme le CEH semble bien le dire, à l’individualisme, mouvement qui prône la prééminence de l’individu sur la société et nous a menés aux dérives d’une société marquée par l’hédonisme individuel et le relativisme ambiant. Mais ce pourrait être l’occasion d’une autre discussion.
Les concordances de pensée avec Karol Wojtyla et Ratzinger
Pour Karol Wojtyla, personnaliste, défenseur des Droits de l’homme, l’homme est considéré comme personne à travers ses actes et la dimension de transcendance présente en lui-même et en chacune de ses actions. Car c’est par l’acte que la personne se réalise, et à travers « l’agir en commun avec d’autres », se manifeste une dimension nouvelle de lui-même. Quant au cardinal Ratzinger, il va plus loin concernant la dimension communautaire de la personne, disant que la personne n’existe, par son essence, que comme relation. A noter également que Wojtyla replace le bien commun dans une perspective élevée : non seulement le bien commun est le bien de la communauté, non seulement il peut être identifié à ce à quoi tend cette communauté, mais il devient le fondement même d’une communauté humaine. Le CEH est bien dans cet esprit en donnant à « l’agir » un sens, une place première, obligatoire, et en mettant en pratique la notion de subsidiarité défendue également dans la doctrine sociale de l’Église.
Quelle est, au final, ma perception des fondements philosophiques et anthropologiques du CEH ?
Si la révolution de la bienveillance m’a immédiatement séduit, je dois avouer que l’appel à l’écologie m’avait laissé perplexe : allais-je devoir entendre un discours (méta)politique sans nuance ni concession ? Non, bien sûr, mes craintes ont été vite repoussées, avec le sens donné par le CEH à l’écologie qui demande d’agir « à hauteur d’homme » pour préserver notre maison commune. L’encyclique du pape François a achevé de me réconcilier avec ces thèmes que l’homme – chrétien ou non – doit absolument se (ré)approprier. Il me semble que l’originalité du CEH est justement d’avoir placé un humanisme dans une dimension écologique « englobante ».
Dans cet humanisme imprégné de personnalisme, j’y retrouve personnellement mes sources chrétiennes. Je suis persuadé que d’autres personnes, adeptes d’autres religions, y verront aussi leurs attaches spirituelles propres, et leurs liens à une transcendance à laquelle ils croient. Le CEH nous met ainsi en communion de pensée sur l’Homme.
Quant à la proposition de révolution de la bienveillance, qui nous permet notamment de partir la fragilité inhérente à chaque personne – deux idées qui m’étaient déjà chères – elle donne à cet humanisme une fraîcheur qui m’enthousiasme et m’étonne tant elle est nouvelle dans le monde actuel.
Ces propos, je le redis, n’engagent que moi. »
Thierry Anglès d’Auriac