« Ecologie humaine » vient combler un grand vide dans la vie politique et culturelle de la France. « Ecologie » tout court, c’est trop court. Si on en reste là, demain sera inhumain.
UNE ECOLOGIE HUMAINE OU INHUMAINE ?
Humaine ou inhumaine ? Tel est pour l’écologie le choix. Il faut donc déployer la richesse de sens que renferme cette expression : « écologie humaine ».
Le mot « écologie » compose logos et oikos (ou oikia) qui signifie « la maison ». Qu’est-ce donc que l’« écologie humaine » ? La science et la pratique de cette nature qui inclut l’homme et qui est ainsi sa « maison », la « maison de l’homme ».
Oikos signifie en même temps « famille ». L’écologie, c’est la science et la pratique de cette « famille » humaine vivant dans sa « maison », la nature. Si les mots ont leur plein sens, l’écologie est familiale ou n’est pas.
« Si les mots ont leur plein sens, l’écologie est familiale ou n’est pas. »
Dans le mot « écologie », il y a aussi logos. L’homme connaît l’univers et se connaît lui-même de l’intérieur. Il connaît par sympathie l’intérieur des autres, dans une certaine mesure. Chaque être humain, mâle ou femelle, est un logos humain : un esprit personnel, une raison singulière, un individu qui dit « je » et qui réfléchit. Tous peuvent atteindre en commun des vérités, non parce qu’ils se mettraient d’accord pour délirer à l’unisson, mais parce qu’ils se lient en vérité à un seul Logos et à ses lois structurant les êtres. Ainsi, cette « famille » humaine est-elle la « demeure » d’un « Logos » auquel elle est liée. Les êtres humains, mâles et femelles, sont donc ensemble « la maison du Logos », autrement dit : l’« éco-logie ».
Nous pourrions aller plus loin : pour que la nature soit très bonne, il faut ajouter l’homme à la nature pré-humaine. Mais pour que l’homme sache s’ajouter ainsi à la nature, ou ajouter à lui la nature, il lui faut la sagesse. Il doit se montrer raisonnable, « logique », c’est à dire « homme du Logos ». Il peut alors s’insérer dans la nature qui l’attend, la cultiver sans la razzier et la détruire. Il peut en faire sa maison, son jardin, en famille. Il peut faire des bêtes ses amies et ses familiers. Il peut cultiver sagement les plantes, s’en servir comme d’aliments et de remèdes, il peut aussi jouir de leur beauté, y puiser le sentiment de la vie.
L’HOMME N’EST PAS DE TROP DANS LA NATURE
L’expression « écologie humaine » nous rappelle aussi que l’homme n’est pas de trop dans la nature. L’homme y existe, il y est chez lui. L’homme sort de la nature, mais il ne sort pas que de la nature. Il retourne à la terre, mais pas qu’à elle. Il sait cela, car dans la réflexion, il se saisit de son propre esprit. Et il s’étonne de voir que la nature enfante un corps spirituel, un corps vivant qui ne sort pas que d’elle, mais qui s’enracine dans le mystère.
L’homme à ses propres yeux est déjà un mystère. D’un seul regard, il enveloppe l’univers. « Univers » signifie « ce qui, ensemble, se tourne vers l’un ». Mystique, l’homme porte ses regards au-delà de l’espace et du temps. L’univers dont il est issu paraît alors se concentrer en lui pour se tourner uni à travers lui vers l’un. Le tournesol, symbole de l’homme.
Aristote dit que l’esprit entre « par la porte » dans l’embryon. Cette affirmation imagée ne dépasse sans doute pas la portée de la raison humaine. L’homme naît, pour ainsi dire, au fond de la rivière de la vie et s’y enracine, mais il en remonte et fait surface. Le nénuphar, autre symbole de l’homme.
L’homme a une « nature » : corporelle, vivante, sociale, spirituelle, raisonnable, culturelle, métaphysique. Une « nature humaine », comme on dit. Devenir capable de voir cette « nature » enrichit en nous l’idée de « la nature ». Cette dernière n’est pas étrangère à l’homme, puisqu’elle inclut réellement l’homme. Les sciences de la nature devront en tenir compte davantage, dans l’avenir, et seront ainsi plus scientifiques. Les sciences de l’homme sont et seront celles de la « nature humaine ». Nous avons encore beaucoup à apprendre et beaucoup à approfondir dans notre science et dans notre action.
« Entre délire et désespoir, la sagesse se tient sur la crête. »
La sagesse est éternelle, et pourtant à réinventer à chaque génération. Prométhée s’exalte : « Je vais monter au Ciel et jeter Dieu à bas ! ». Après l’échec, il se rassoit et pleure : « Je suis un animal raté, un singe tueur, qui pullule et pollue. Je devrais disparaître. » Sans sagesse, la liberté ne va qu’au néant et à la dictature parfaite. La sagesse combine dépendance et indépendance, domination et harmonisation, maîtrise et obéissance, résistance et soumission, inaction, action et réaction. Cet équilibre est la seule liberté possible sans dictature et hors néant. Entre délire et désespoir, la sagesse se tient sur la crête.