Dans le cadre de la huitième soirée de Form’action Cap 360°, sur le thème “Accomplir ou détruire l’humanité”, Gérard Langlois-Meurinne, psychiatre, psychothérapeute et membre du Courant pour une écologie humaine, présente ce qu’est pour lui le processus d’humanisation.
“J’aimerais commencer avec ce mot que je trouve merveilleux et qui est plus qu’un mot, c’est un mouvement. Il s’agit du terme « humanisation ». Nous sommes comme appelés de l’intérieur, parfois aussi de l’extérieur, à nous humaniser. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Cela signifie que nous sommes tous nés avec un potentiel humain qui semble inépuisable aussi bien au plan individuel que collectif. Et toute la vie (qui sans doute ne suffit pas) est là pour nous aider à essayer de l’incarner et de le réaliser.
Il s’agit d’accueillir notre unicité, de la vivre et de l’offrir aux autres. Je crois qu’il faut aussi souligner que l’humanisation ne se fait pas uniquement avec soi-même ; elle se fait les uns par les autres. L’humanisation est un chemin déjà tracé : nos ancêtres, depuis si longtemps, ont avancé sur ce chemin, avec des résultats non négligeables et des échecs aussi, bien sûr. Nous sommes amenés chacun dans notre vie, dans notre génération, à refaire ce chemin et à aller plus loin. C’est un éternel renouvellement, une renaissance, et la vie avance comme ça ! Notre chemin est unique dans le contexte et les circonstances de notre époque. En même temps, le noyau, la flamme, l’élan de ce chemin est en nous et pas dans notre époque.
Mais il y a aussi ce que l’on peut appeler des actes de déshumanisation. La déshumanisation se produit quand il y a une sorte de résistance et même de refus d’humanisation. Ce sont des personnes qui n’écoutent pas cette voix intérieure pour réaliser et porter avec d’autres leur potentiel humain. Ce sont des personnes qui par exemple s’enferment dans une idéologie collective qui peut avoir l’apparence du bien, comme l’eugénisme qui souhaite améliorer la race humaine, mais ce n’est pas l’humanisation en réalité. Certains s’enferment également dans un individualisme important.
Celui qui n’est pas dans l’humanisation se coupe des autres, il n’est pas dans un rapport où les forts et les faibles s’entraident, il se déshumanise.
Alors, on peut dire que l’humanisation, c’est avancer ensemble. J’aime rapporter cette parole de Saint-Paul dans sa lettre aux Romains qui dit que nous ne formons qu’un seul corps, même si chacun a ses dons particuliers. Nous oublions souvent cela et avons besoin d’y revenir. C’est tous les Hommes ensemble, et quand on dit « tous les Hommes », il s’agit de tous les hommes et femmes actuels, de toutes les nations, de toutes les races, etc. et également tous les hommes et femmes du passé et ceux de l’avenir aussi avec qui nous sommes appelés aussi à avancer.
Je reviens donc au thème de cette soirée. En effet, il y a comme un choix à effectuer au quotidien, parfois pour de grandes décisions, parfois pour la vie de tous les jours, où l’on se demande si l’on accomplit ou si l’on détruit l’humanité.
Accomplir, c’est, dans ce contexte, accomplir notre tâche humaine, accomplir notre destin humain jusqu’au bout, l’accepter et le partager. Détruire, c’est s’enfermer, refuser, s’investir dans autre chose qui n’en vaut pas la peine. Heureusement, ce qui est détruit peut parfois être aussi reconstruit. Et c’est ainsi que de génération en génération, nous pouvons avancer sur ce chemin d’humanisation.
Pour terminer, citons Catherine de Sienne qui, a 22 ans, a le culot d’écrire au roi de France : « Ne voyez-vous pas, Sire, tout le mal que vous faites quand vous ne faites pas tout le bien que vous pourriez faire ? ». Je retiens l’audace et l’intuition de cette jeune femme. C’est quelque chose que nous pouvons tous faire aujourd’hui, nous demander si l’on participe au bien commun ou si au contraire nous allons à l’encontre de ce bien commun.”