Bien que l’Urbex (EXploration URBaine) soit une activité relativement jeune, elle est de plus en plus pratiquée en France et dans le Monde. Que se cache-t-il derrière cette définition ? Qui la pratique ? Quels en sont les buts et les dangers ? En quoi peut-elle être bénéfique pour l’homme et tous les hommes ?
Urbex, rapide définition et petit historique
L’exploration urbaine ou « Urbex » (abréviation de l’anglicisme « Urban exploration ») est une activité clandestine qui consiste à visiter des lieux construits puis abandonnés par l’homme dont l’accès est complexe ou réglementé. Quelques exemples de lieux où faire de l’urbex ? Les tunnels, les anciennes stations de métro, les chantiers de construction ou de rénovation, les « rooftops » (sommets d’immeubles privés ou publiques)…
Ce concept est né dans les années 1980 avec la Cataphilie, l’exploration d’anciennes carrières souterraines de la capitale française, dont les Catacombes.
La région parisienne étant riche en espaces abandonnés, le domaine d’exploration s’est vite élargi, intégrant la Toiturophilie ou passion d’accès aux toits, la visite de friches industrielles ou bâtiments abandonnés comme les usines, les anciens hôpitaux, les ouvrages ferroviaires ou militaires…
Les règles d’or de l’Urbex
Bien que l’exploration urbaine soit une activité clandestine non encadrée, que tout un chacun peut réaliser sur son temps libre, les Urbexeurs aguerris incitent les nouveaux pratiquants à observer les trois règles d’or suivantes :
- La discrétion : il est demandé aux Urbexeurs d’effectuer les visites en petit comité pour réduire au maximum les nuisances sonores et les dégradations potentielles. De plus, il est fortement recommandé de ne jamais communiquer l’adresse du lieu visité pour préserver sa beauté et son originalité.
- Le respect des lieux : il est demandé aux Urbexeurs de ne pas dégrader les lieux (tags, déchets, dommages physiques…) et de les restituer dans l’état dans lequel ils ont été trouvés.
- La précaution : l’exploration urbaine est une activité extrêmement périlleuse, à l’origine de nombreux incidents et accidents : il est donc conseillé aux pratiquants d’être extrêmement précautionneux dans leurs explorations afin d’éviter les incidents qui pourraient être néfastes pour le site (dégradation, fermeture définitive…) et ternir l’image de l’exploration urbaine.
Des règles riches en humanité
Ces règles d’or sont particulièrement intéressantes car elles questionnent l’homme sur sa relation avec ces lieux communs et pourtant interdits, son appétence aux dangers mais surtout son rapport au temps.
Ainsi, par la seconde règle, les Urbexeurs veillent à « protéger » des lieux en friche, riches en mémoire et empreintes d’une vie humaine révolue. La dualité est donc bien là : protéger des dégâts de l’homme (les visiteurs) les lieux que le temps et l’espace ont usé. Le but étant de pouvoir, le temps d’une visite interdite, en capter les merveilles sans en dénaturer la déperdition… L’ordre des choses semble donc inversé : l’homme devient la menace et la destruction naturelle, la chose à protéger.
À l’image du Street Art, l’Urbex questionne ainsi sur le temps : quel que soit le lieu, deux visites ne seront jamais identiques. La végétation, en reprenant ses droits, efface petit à petit les traces de cette activité humaine passée et pourtant à l’origine même de la construction du lieu. Le temps d’une excursion, il donne aux urbexeurs la sensation d’être hors des sentiers battus et hors de la société actuelle.
Ces lieux sont les traces d’un échec de la domination humaine sur la nature. L’homme est plus accoutumé à visiter des espaces, plus ou moins naturels, qu’il aurait préalablement dompté. Parcs, forêts domaniales, villes, lagunes… les exemples de réussite humaine sont innombrables, rares sont les preuves de son échec !
La troisième règle, quant à elle, sous-tend un aspect communautaire, antagoniste à la définition même de cet art et donc à la première des règles qui incite à pratiquer l’activité dans le plus petit comité possible. Les urbexeurs aguerris mettent en garde les nouveaux pratiquants des dangers potentiels, à l’image d’un mentor encadrant son élève, sans l’avoir jamais rencontré.
Les lieux d’urbex deviennent alors des « communs », riches en empreinte humaine et en beauté naturelle, à protéger à tout prix.
Une activité de plus en plus pratiquée
Avec la démocratisation des réseaux sociaux, des blogs, des vlogs et des chaînes Youtube, l’exploration urbaine prend de plus en plus d’ampleur et fait de plus en plus d’adeptes.
Un site internet « Urbex Session » a même été créé par un collectif d’Urbexeurs. Ce dernier recense, au travers de reportages photographiques, des lieux d’exploration urbaine en Europe et en Australie.
L’utilisateur peut ainsi admirer ces lieux abandonnés à l’aide d’un affichage par catégorie (aéroport, gare, jeux olympiques, parcs d’attraction…) ou par localisation (France, Angleterre, Allemagne, Australie…).
Une représentation cartographique via Google Maps permet également aux plus curieux d’avoir une meilleure connaissance de l’adresse du lieu décrit car, comme le veut le principe fondamental de l’exploration urbaine, la localisation exacte des sites n’est pas fournie sur la plateforme Internet.
Le site propose également des conseils pour trouver des lieux abandonnés, explique comment bien s’équiper lorsque l’on débute dans l’exploration urbaine, liste les règles d’or à respecter lorsque l’on se livre à cette pratique…
La plateforme Internet héberge également un blog sur lequel les internautes peuvent échanger sur les lieux visités, les risques liés à l’exploration urbaine, leurs expériences personnelles…
Un concept qui touche de plus en plus de pays
Bien que l’exploration urbaine soit née en France, sa pratique a été largement adoptée dans les pays anglophones comme le Canada, les États-Unis, l’Australie, mais aussi en Europe comme en Belgique et en Italie.
Ainsi, en Australie, l’exploration urbaine se réduit surtout à l’exploration des « drains », ces larges égouts pluviaux relativement répandus en Océanie. Initié en 1986 à Melbourne, le mouvement compte désormais des dizaines d’antennes dans tous les États et les grandes villes australiennes.
Le Canada est également un haut lieu de l’exploration urbaine. À titre d’exemple, on ne compte pas moins d’une trentaine d’Urbexeurs actifs dans la métropole de Montréal. C’est également au Canada que l’on doit le plus grand événement portant sur l’exploration urbaine, « l’OPEX », qui regroupe chaque année une quarantaine d’explorateurs urbains à travers le monde pour découvrir le temps d’un challenge les lieux oubliés d’une ville : Toronto pour l’OPEX 94’ en 2004, Montréal pour celui de 2005 (OPEX 95’) et Vancouver via l’OPEX 86’ de 2006.
Quels sont les risques potentiels liés à cette activité ?
Les risques liés à l’exploration urbaine sont de deux sortes :
- Physiques : avec des risques d’effondrements, de chutes de pierres, d’explosions de gaz, d’intoxication à l’amiante… L’exploration urbaine a ainsi été fatale pour certains pratiquants à l’instar de Maxime Sirugue, plus connu sous le patronyme de « Siirvgve », jeune Urbexeur qui a trouvé la mort le 12 janvier 2017, à l’âge de 17 ans alors qu’il escaladait un pont lyonnais.
- Juridiques : car l’exploration urbaine implique, bien souvent, l’intrusion dans des lieux ou propriétés privés. Ainsi depuis les années 1980, plusieurs décrets, arrêtés préfectoraux ou règlements internes de collectivités évoquent les sanctions encourues par les Urbexeurs : garde à vue, amende, travaux d’intérêt général… Dans le cas d’exploration de friches urbaines, propriétés de l’État ou d’institutions privées soumises à des restrictions de sécurité, les Urbexeurs peuvent également être accusés d’espionnage ou d’atteinte à la sûreté d’État.
L’exploration urbaine est donc une activité périlleuse, qu’il est nécessaire de réaliser précautionneusement et en tout connaissance de cause.
Alors, pourquoi l’exploration urbaine est-elle si répandue ?
Malgré tous ces dangers, l’exploration urbaine est de plus en plus pratiquée. Comment cela s’explique ?
Premièrement, pour de nombreux Urbexeurs, l’exploration urbaine est une activité riche en adrénaline, une manière de « flirter avec le danger », à l’image d’un saut en parachute ou en base-jump. Que cela soit par l’exploration de lieux interdits ou dangereux, sans matériels de sécurité comme la Toiturophilie ou l’accès à des friches industrielles abritant des matériaux explosifs ou dangereux, les Urbexeurs ressentent un danger vibrant qui anime leur désir de découverte.
Comme évoqué précédemment, pour d’autres, l’exploration urbaine est une manière de questionner la place de l’homme dans le monde, son rapport au temps, son influence sur l’environnement… l’homme est souvent perçu comme l’animal pensant le plus développé et le plus puissant sur Terre, et pourtant, dans ces lieux abandonnés, la nature reprend ses droits et efface la trace de l’homme.
L’exploration urbaine est également vue comme une source inépuisable d’inspiration pour les artistes et les photographes, qui prennent plaisir à faire découvrir à leurs auditeurs des lieux insolites et inconnus, de plus en plus rares de nos jours.
Finalement, de nombreux explorateurs voient cette activité comme une « Chasse au Trésor » grandeur nature. Perpétuellement en quête de nouveaux terrains de jeu, ils sont avides de nouveaux « bons plans » qu’ils troquent contre des expériences vécues avec une communauté de Urbexeurs qui partagent la même curiosité : pourquoi ce lieu a été abandonné, quelle est son histoire, quelles traces humaines y sont encore visibles ?
Pour aller plus loin :
Si cet article vous a donné envie de partir à la découverte de lieux insolites, nous vous recommandons de visionner les trois séries documentaires suivantes, disponibles sur le site de Arte :
- « Urbex, l’Amérique abandonnée », reportage Arte qui se base sur les photographie de Matthew Christopher, Urbexeur américain qui, via son site « Abandoned America » et ses livres, fait découvrir des lieux abandonnés de Pennsylvanie
- « Urbex Rouge » composée de 8 épisodes dédiés aux friches de l’ancienne URSS
- « Paradis de rouille », série de 4 épisodes sur les « Édifices fantomatiques », les « Belles voitures aux bois dormants », « les vestiges maritimes et ferroviaires » et « les engins militaires : l’adieu des armes »
Sources :
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Friche_industrielle
- https://www.youtube.com/watch?v=g1HfCPtLV4g
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Exploration_urbaine
- https://urbexsession.com/
- https://www.youtube.com/watch?v=o2dO-pyDj2s
- https://www.pexels.com/fr-fr/photo/abandonne-architecture-batiment-batiment-abandonne-2512258/
- https://unsplash.com/photos/3iEBAhZ61r4
- https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/les-urbexeurs-ces-explorateurs-qui-ont-fait-des-lieux-abandonnes-leur-terrain-de-jeu-10-06-2019-8089992.php
- https://www.franceinter.fr/emissions/le-temps-d-un-bivouac/le-temps-d-un-bivouac-02-aout-2016