Alix est passionnée de fleurs. Que ce soit des fleurs sauvages ou des bouquets de chez le fleuriste, elle aime tant en offrir qu’en recevoir. Elle raconte ci-dessous pourquoi, avec beaucoup de poésie. Vous ne regarderez plus les fleurs coupées de la même façon !
Offrez des fleurs, parce que les fleurs, c’est périssable. Offrez des fleurs en bouton, pas des « compositions » ! Osez des fleurs qui vont faner, oui !
Alix
“Vous avez franchi le seuil de cette boutique snob ou désuète ; vous n’êtes ni un fils prodigue, ni un amant éconduit, vous voulez seulement offrir des fleurs. Avant même de passer à la caisse vous êtes dépossédé de ce cadeau, puisque vous ignorez tout des fleurs, leur nom, l’harmonie de leurs couleurs, et même leur langage. Vous accordez toute votre confiance au fleuriste. Il est votre sauveur.
Offrez des fleurs, parce que ça ne sert à rien.
Un bouquet ne donne ni leçon, ni conseil. Il n’y a pas à le « mettre en route », encore moins à en déchiffrer le mode d’emploi, de l’eau suffira. Le seul besoin du bouquet est de recevoir à boire, comme un pèlerin assoiffé qui sonnerait à l’improviste. Voyez : vous qui recevez des fleurs, vous voilà instantanément devenu un sauveur !
Détendez-vous, vous venez d’offrir – ou de recevoir – des fleurs, plus rien désormais ne vous appartient. Regardés ou délaissés, les boutons vont s’ouvrir, les pétales se déployer, les effluves se répandre –ou non.
Merveille ! Devine-t-on ce qui est contenu dans ce bouton ?
Voyez cette pivoine, entre promesse et devinette ; regardez la gonfler de vie de jour en jour, défroisser ses innombrables pétales –mais où tout ceci était-il caché ? – occuper un tel espace que le vase se fait oublier.
Une pivoine pour un Post Instagram ? Impossible : vous ne savez ni le jour, ni l’heure où le bouquet sera sublime. Les pétales déployés changeront de couleur, puis inexorablement se délaveront. Le bouquet de fleurs est un cadeau en devenir.
Un bouquet ne sert à rien, il s’efface. C’est un présent à obsolescence programmée, qui a entamé son déclin en même temps qu’il poursuit son déploiement, à la minute même où il a été cueilli.
Oublié sur un manteau de cheminée ou choyé jusqu’à son dernier jour, eau croupie ou renouvelée, le bouquet marque le temps qui passe.
Ah ! Si ! Il va falloir s’en occuper, maintenant qu’il est fané, tiges visqueuses et pétales qui s’émiettent sur le parquet ; le sentiment d’un grand nettoyage de printemps à peu de frais ; le vase rincé, mais qui peut rester maculé, comme une serre au soleil qui sentirait l’humus.
Le bouquet absent est encore beau : une fraîcheur demeure là où il était. La place est libre. Vous aussi.
Soufflez, votre cadeau a fait son temps, il n’oblige pas, il n’a pas pris en otage celui à qui il a été offert. On ne ressort pas en effet un bouquet comme on raccroche au mur, juste avant une visite, la gravure début XXème que l’on abhorre mais que l’on arbore.
Le bouquet ne sert plus à rien, vous avez juste contribué à prolonger sa courte vie : vous êtes resté libre.
Le bouquet offert est gratuit, inutile et vivant, il ne moralise pas, il n’oblige pas, il ne fige pas l’instant. Il ne sert qu’à donner.”