Attention, âmes sensibles s’abstenir ! Avec notre comité de lecture, nous avons hésité – il y a, de fait, une vraie violence qui sourd de ces pages – mais il nous a semblé que ce voyage initiatique valait tout de même le détour. Nous avons été plusieurs à ne pas pouvoir décrocher. Le sujet de ces débats passionnés ? On était des loups de Sandrine Collette, paru en livre de Poche en août 2023.
On était des loups : l’histoire
Pour fuir une vie de famille effroyable, Liam s’installe dans les montagnes, à quatre heures de cheval de chez Henry et une heure d’avion de la ville. Il n’a que 20 ans et vit en autarcie, de la chasse et de la vente des peaux de bêtes qu’il tue. Lors d’un rare ravitaillement à la ville, il rencontre Ava. Éperdument amoureuse, elle le suit dans cet endroit isolé et coupé du monde. Quelques années plus tard, elle arrive à le convaincre d’avoir un enfant. C’est un garçon, il s’appelle Aru. Mais, en rentrant d’une semaine de chasse, Liam se rend compte immédiatement que quelque chose cloche. Aru n’est pas là pour l’accueillir. Il aperçoit sa femme, par terre et immobile. La vie de Liam va alors basculer.
Notre avis
Le narrateur, Liam, homme des bois et trappeur, a décidé de vivre à l’écart de la civilisation. La nature seule arrive à l’apaiser, le consoler, le toucher.
Sa femme, sur qui il est tombé par hasard et qu’il a fini par aimer pour de bon, s’est adaptée à cette vie isolée et sauvage. Et puis, elle a insisté pour faire naître un enfant de lui. Liam ne se sent pas spécialement père, bien que ce petit Aru, dès qu’il soit en âge de le manifester, lui montre un profond attachement.
Mais un soir lugubre, en rentrant d’une chasse, Liam découvre sa femme morte. Un ours est passé par là. Aru a survécu. Liam prend conscience qu’il va devoir s’occuper seul de cet enfant de 5 ans dont il n’a jamais vraiment voulu et qui n’est qu’un poids mort l’empêchant de vivre selon son cœur ; un enfant qui lui rappelle sans cesse la mort de celle qu’il adorait…
Voici un long monologue, sans filtre, brut, vidé de toute ponctuation ou presque. C’est Liam qui pense, rumine, s’emballe. Et voit (sans plaisir) Aru, qui trotte silencieusement sur son cheval, derrière lui. Le périple père-fils sera ponctué d’épreuves toujours plus violentes et sans pitié. Ce parcours initiatique très sombre questionne sur la paternité. Et ouvre à une forme de beauté, de poésie, d’émotion.
Un roman qui se lit avec les tripes et le cœur.
On était des loups : extrait
” En vrai c’est la lueur éperdue dans ses yeux bleus qui me rend dingue, cette lueur qui me cherche simplement pour s’accrocher à moi, pour que j’ouvre une brèche une possibilité la largeur des mes bras et cette quête-là, cette prière muette je n’y arrive pas il peut toujours rêver. La seule chose qu’il demande le gosse c’est un peu de tendresse un truc comme ça.
Il ne le dit pas c’est invisible sauf que c’est tellement là que l’air en frissonne, et je sens les vibrations vers moi que je repousse d’un geste de la main et je voudrais lui dire que ce n’est pas la peine, la tendresse je n’en ai pas du tout ou pas pour lui, on n’est plus que deux et ce n’est pas pour ça que je vais me rabattre sur lui.”
À propos de l’autrice
Romancière française, Sandrine Collette partage son temps entre la région parisienne et son élevage de chevaux dans le Morvan.
Chargée de cours à l’Université de Nanterre, consultante à mi-temps dans un bureau de conseil en ressources humaines ; elle restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.
Elle compose une fiction et adresse son manuscrit aux éditions Denoël. Il s’agit Des nœuds d’acier, publié en 2013, premier roman qui rencontre un succès critique et public : 20 000 exemplaires vendus, et le “Grand Prix de littérature policière” ainsi que le “Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne”.
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