Par Tiphaine Trédan, membre de l’instance de gouvernance du Courant pour une écologie humaine.
Comme il est beau ce sourire d’Aurélie Aubert avec sa médaille d’or ! Il est littéralement d’une oreille à l’autre, sans aucune retenue, sans fard, et sans cette coquetterie propre aux clichés des réseaux sociaux qui les rendent si peu naturels. Merci mademoiselle la championne paralympique pour ce rafraîchissant moment et bravo pour votre savoir-faire à la boccia !
Après l’euphorie des jeux de l’été, est venue cette vibration très particulière des jeux paralympiques qui marquent cette rentrée de septembre. Opposer les deux n’aurait pas de sens, mais on peut reconnaître une différence de degré – ou du moins de regard – entre ces deux événements.
Ébahie par les performances de Léon Marchand, enthousiaste, je n’ai pas été émue comme je l’ai été par la nage de dauphin de Gabriel Dos Santos Araujo, affectueusement surnommé Gabrielzhino par ses compatriotes, ou par l’histoire hors norme de Bébé Vio, cette escrimeuse italienne rayonnante malgré les marques visibles laissées par une méningite.
Pourquoi cette émotion est-elle plus forte, plus profonde en tout cas ? Quelle est cette épaisseur humaine qui la rend prégnante ? Qu’y a-t-il de plus dans ces jeux qui m’interpelle à ce point ? Ne serait-ce pas la conscience aigüe qu’ils n’ont pas pu devenir athlète tous seuls ? Que sans le soutien de ceux qui les entourent, rien n’aurait été possible ? Que malgré un chemin fait de renoncements, de souffrances aussi sans doute, ils ont pu déployer leurs talents ? Parce qu’ils ont été entourés et qu’ils continuent à l’être.
Il y a toujours un risque dans la compétition, c’est d’en faire un absolu. Dans W ou Le souvenir d’enfance, Georges Perec (1936-1982) livrait un récit fictionnel à propos d’une cité idéale, W, mue par la devise olympique, mais pas exactement dans l’ordre : « Plus haut, plus fort, plus vite », qui se révélait cauchemardesque, véritable illustration des camps de concentration dans son esprit d’enfant, où le sport devenait un outil de déshumanisation et de destruction. Sans aller jusque-là, nous savons qu’il y a eu (mais est-ce terminé ?) des abus, des athlètes usés par des régimes avides de montrer leur pouvoir au travers des Jeux, des santés abîmées par des substances prohibées, des pressions psychologiques intenses favorisées par la soif de gagner.
Les jeux paralympiques permettraient-ils de remettre au cœur de l’idéal olympique cette phrase, essentielle : « l’important n’est pas de gagner, mais de participer » ? Le logo de ces jeux « pas comme les autres », trois « agitos » qui sont comme des anneaux ouverts, mériterait d’être complété par plein de petites mains reliées les unes aux autres qui viendraient unir les anneaux entre eux, symboles de l’entraide particulièrement forte dont sont entourés les sportifs porteurs de handicap.
Pour aller plus loin, savez-vous qu’un quart des sépultures du Paléolithique présente des corps atteints de handicap, de maladie, de blessures, enterrés avec les mêmes honneurs que les autres ? Voici une des anecdotes de la Form’action du courant pour une écologie humaine.
Loin de la loi du plus fort, et depuis l’aube de l’humanité, l’attention aux personnes fragilisées autour de nous nous rend plus humains, et notre capacité à demander de l’aide quand nous sommes nous-mêmes fragilisés rend notre entourage plus humain. Je ne peux pas vivre tout seul, je ne peux pas agir tout seul, ensemble c’est vraiment mieux.
Est-ce la raison du changement, salutaire, de la devise olympique en 2021 : « Plus vite, plus haut, plus fort-Ensemble » qui, même si ce n’est pas la devise des jeux paralympiques, a pu en être inspirée ?