Prendre le risque d’une vie plus dense #ReplayWebinar

24 Jan, 2023 | PHILOSOPHIE, TÉMOIGNAGES

Mardi 10 janvier 2023, au cours d’un passionnant webinar, nous avons échangé avec Christophe Bichet, grimpeur professionnel, conférencier et mentor, atteint d’une maladie génétique rare. Le sujet du jour, pour bien démarrer l’année : prendre le risque d’une vie plus dense. Inspirant !

Quelle est la dernière fois que vous avez fait quelque chose pour la première fois ?

La “prise de risque”, kesako ?

Christophe Bichet, grimpeur professionnel, conférencier et mentor : “La nature de l’être humain, c’est quoi ? C’est d’être mortel. S’il y a bien une certitude sur Terre, c’est que nous allons tous clamser ! À partir du moment où nous naissons, c’est déjà, par définition, une prise de risque. À la moindre action, je risque de porter préjudice à ma santé. Et à l’inverse, mon inaction peut potentiellement porter préjudice à ma santé…
On dit d’ailleurs que l’endroit le plus dangereux du monde, c’est le lit : c’est là où la plupart des gens meurent !

Prenons l’exemple de l’escalade : on a l’impression que c’est un sport dangereux, alors que factuellement, faire de la grimpe sur des rochers, c’est environ 150 fois moins risqué que de prendre sa voiture le matin en ville.

Donc, par définition, être vivant, c’est un énorme risque !

Dire OUI à la vie

Densité : j’aime bien ce mot ! Je le raccroche au fait de remplir notre vie, de la rendre plus intense, plus colorée, avec plus de matière et d’émotions. S’il y a beaucoup de raisons de s’éloigner de la vie, je crois pourtant que c’est capital de la rendre plus dense.

Aussi, je pense que dire oui à la vie, c’est probablement l’essence de l’être humain. Pour vivre, l’être humain a besoin d’être en relation :

  • avec lui-même,
  • avec les autres,
  • avec la nature,
  • avec le système dans lequel il est intégré.

Il y a tellement d’occasions de fuir ce qui nous arrive… C’est presque trop facile ! Mon invitation est de dire oui à tout ce qui arrive, même si ça ne nous plaît pas. Dans la vie, il y a des défis qui sont choisis, d’autres subis.

Je n’ai pas choisi d’avoir une maladie génétique qui a provoqué de nombreux cancers. Je n’ai pas choisi ça mais ce n’est pas grave, c’est comme ça. J’accueille donc cette situation et j’y vais ; je prends les choses en mains, je dis oui à ce qui advient parce que je ne peux pas le changer. Faire de votre mieux avec ce qui arrive sera votre meilleure arme pour affronter tous les cataclysmes qui peuvent arriver.

Comment prendre des risques ?

Il y a mille et une manières de commencer à prendre des risques. De fait, 95 % de ce que nous faisons, nous le faisons par habitude. Nous ne faisons que répéter des mouvements, des paroles, des tournures de phrases, des postures, des interactions que nous avons déjà eu la veille, l’avant-veille, la semaine dernière, l’année dernière, etc.

Nous sommes des êtres d’habitudes et le remède qui vient réveiller les êtres humains, c’est la nouveauté.

Une question que j’aime bien : quelle est la dernière fois que vous avez fait quelque chose pour la première fois ?Quand il y a de la nouveauté, même si c’est un truc tout simple, ça rend la journée un peu plus légère, on est déjà dans une densité plus grande.

Injectez un peu plus de folie, un peu plus de ce que vous n’avez jamais osé faire, dans votre quotidien. Ça va vous réveiller, ça va vous faire énormément de bien à vous et aux personnes qui sont autour de vous.

Affronter ses peurs

Il y a énormément de bonnes raisons d’avoir peur, d’être anxieux, d’avoir de moins en moins confiance dans le futur, d’autant plus dans un monde de surinformation.

Pour commencer, il faut cultiver une forme d’écologie envers soi-même, qui passe par la sobriété ; la sobriété en termes de nourriture intellectuelle – éteindre la télé, la radio, les réseaux sociaux… – on n’est pas fait pour ingérer autant d’informations anxiogènes, c’est une certitude.

Par ailleurs, il y a deux grandes forces qui font qu’une personne avance ou recule, s’ouvre ou se renferme sur elle-même : la peur et l’envie. La peur nous renferme et fait monter l’anxiété. L’envie génère des rêves, des désirs, des projets qui nous aident, nous poussent, à aller de l’avant, à nous ouvrir, à aller vers l’autre.

Forcément, l’une de ces deux forces va prendre le dessus. Voilà pourquoi, de mon côté, tout ce que je fais dans mon existence va dans la direction de faire de mon mieux pour qu’il y ait plus d’envie, plus de désir, plus d’amour, plus d’ouverture : c’est là où il y a de la vie ! Et vous, quelles sont les envies qui vous gardent en vie ?
Nourrir ses envies demande un petit ingrédient : le courage. Le courage d’aller chercher ce qui nous branche, ce qui nous inspire, provoque notre enthousiasme et nous rend vivants.

Évidemment, je ne pourrai jamais enlever toutes les peurs. D’ailleurs, les peurs aussi font avancer.

  • Première astuce : je vous invite à faire ce qui vous fait peur, à faire face à cette émotion plutôt que de trouver des chemins détournés pour la modifier. Être responsable car ce à quoi l’on fait face, s’efface.
    En général, quand on fait face à la peur (en n’osant par parler à telle personne ou se lancer dans telle action qui nous fait flipper, par exemple), au moment où on le fait, on se rend compte qu’on s’en était fait inutilement une montagne.
  • Deuxième astuce : utiliser la peur comme une boussole. Moi, j’adore avoir peur : si ça me fait peur et qu’en même temps il y a un peu d’excitation, d’envie, alors j’y vais ! Évidemment, l’ingrédient courage doit alors être posé sur la table. Le courage est un muscle qui se travaille dans les petites actions du quotidien !

Se reconnecter à ses envies

Pour nourrir ses envies, je vous invite à noter sur un cahier tous les matins : aujourd’hui, j’ai envie de…

Laissez venir ce qui vient ! Peu importe ce que c’est, écrivez-le. Ça permet de dissocier, de mettre en dehors de vous, donc de prendre un peu de distance par rapport à votre envie. Et ensuite, faites de votre mieux pour faire au moins une de ces choses-là que vous avez écrites, simplement pour apprendre à reconnecter avec vos envies.

Je crois beaucoup en la simplicité ; on se fait souvent une montagne de beaucoup de choses ! Cette “méthode” que je vous propose consiste à faire de nombreuses actions assez simples au quotidien. Je peux vous garantir qu’il n’y a rien de mieux pour vivre pleinement sa vie et acquérir de la force.

 

S’assouplir et s’adapter au vivant

L’escalade – tout comme la vie et les interactions avec les êtres humains ou avec la nature – est une question de souplesse. À quel point sommes-nous capables de danser avec ce qui arrive ?

Lorsque je suis en train de grimper, la question est de savoir à quel point je suis capable de m’adapter au rocher, d’être souple, de jouer avec lui. C’est pareil avec les interactions humaines. Plus c’est sclérosé, plus on répète la même chose, plus ça va être compliqué de trouver une relation fluide et de la laisser se développer. Et je pense que cette souplesse mentale passe d’abord par le corps.

Vous avez certainement tous vécu cette expérience : lorsque ça tourne un peu trop dans la tête et que vous sortez marcher, tout de suite, les idées se remettent en ordre de marche. Il suffit de mettre le corps en route, de le réassouplir, pour que les idées dans votre cerveau s’assouplissent aussi.

Dans notre monde, l’accent est mis sur ce qui se passe dans la tête ; indirectement, ça nous éloigne de nous-mêmes, de notre intuition et des autres. Or, je crois vraiment qu’aller au bout de son geste en souplesse, avec tout son corps, tout son être, est absolument capital.

Quand je grimpe, je ne fais rien d’autre que tester 1 million de positions différentes. À chaque fois que je fais une voie, c’est une découverte ; et même si je la refais, je vais toujours essayer d’adapter un peu plus ma posture, mon positionnement, mon mouvement, pour fluidifier mon passage, être plus efficient et dépenser le moins d’énergie possible. Un jour, grâce à cette adaptation permanente au vivant, j’arriverai peut-être au sommet de cette voie.

Cette souplesse – de corps, d’esprit, psychologique, relationnelle – est à réapprendre tous les jours.

S’accrocher et lâcher-prise

Cette idée est vraiment la trame de mon existence personnelle ; en grimpe, on fait deux mouvements fondamentaux très simples : on s’accroche. Et on lâche la prise.

Si je m’accroche aux personnes, aux actions, aux états d’esprit qui sont importants pour moi et qui vont me nourrir, tous les jours, sans répit, à un moment donné, les muscles vont finir par tétaniser et je vais finir par tomber. C’est mécanique.

Évidemment, pour avancer dans le quotidien, on a besoin de savoir ce qui est essentiel à nos yeux : relations, finances, sport, mental, santé… Qu’est-ce qui est vraiment important pour moi ? Qu’est-ce qui me tient vraiment à cœur, là, maintenant ? Souvent, ce n’est qu’une ou deux choses dans le moment vécu. Par exemple, pour moi, maintenant, ce qui est essentiel, c’est d’être avec vous et de vous donner le meilleur de ce que je peux donner.
Et en même temps, s’il n’y a que ça sur le moyen terme, à un moment, je vais tétaniser. Donc j’ai besoin aussi d’apprendre à lâcher pour oser aller chercher une autre prise essentielle.

Le lâcher prise est évidemment beaucoup plus dur que le fait de s’accrocher ; on est tous – je peux vous garantir, les amis – accrochés à des histoires, des personnes, des croyances, des principes de vie, etc. On s’accroche à des choses qui peut-être hier, étaient utiles, mais qui aujourd’hui, nous alourdissent et se transforment en boulet. Et si vous n’arrivez pas à lâcher prise sur ces différentes choses, vous allez tétaniser et finir, donc, par tomber.

Donc, si important soit-il de s’accrocher à ce qui est vraiment essentiel, il est encore plus important d’apprendre à se désengager de tout ce qui est superflu. À lâcher : la plainte, notamment, certaines idées, peut-être, certaines histoires que l’on se raconte (“je suis trop mal entouré dans la vie pour réussir professionnellement”, “je suis physiquement trop petit pour faire de l’escalade”, etc.). Apprendre à se débarrasser de certaines de choses pour retrouver de la légèreté, c’est ce qui fait qu’on peut grimper avec beaucoup de plaisir, de joie et de simplicité.”


Découvrez le webinar de novembre 2022 : La sobriété, nouvelle forme d’abondance ? avec Pierre d’Elbée, Docteur en philosophie.

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