Préparer le jeune au service du bien commun

1 Fév, 2018 | ÉDUCATION & ENSEIGNEMENT

“L’homme se trouve lui-même en se subordonnant au groupe et le groupe n’atteint son but qu’en servant l’homme et en comprenant que l’homme a des secrets et une vocation que le groupe ne contient pas”. Par ces mots, Jacques Maritain souligne l’importance du service du bien commun comme voie d’accomplissement pour l’homme. Ainsi en est-il pour le père dans la famille. Peut-il renoncer à la paternité sans renoncer en même temps à son propre bien et au bien commun de la famille ?
Tribune de Cyrille Krebs, responsable de l’alvéole Éducation. 

Achievement - Man on the Top of the Mountain at Sunrise

Accepter de servir le bien commun, c’est se donner les moyens de s’ouvrir toujours plus au don de soi-même. Ordonner sa vie en la subordonnant au bien commun permet de devenir une personne accomplie en se « trouvant » soi-même à travers le don. Cela ne revient pas à s’oublier soi-même même si cela va jusqu’à donner sa vie. Donner sa vie pour ceux qu’on aime passe par une transformation de son moi en un « moi oblatif » en se mettant au service de ceux dont on a la responsabilité, mais aussi au service des plus fragiles et des plus pauvres plutôt qu’au service de soi-même.

Ne pas préparer l’enfant au service du bien commun, c’est priver l’homme qu’il deviendra de la libre expression de ses dispositions pour son propre bien et celui de sa communauté. Si on veut conditionner socialement, on n’éveillera pas chez nos jeunes le désir de se donner librement en connaissance de cause, avec générosité. Cela nécessite de favoriser son intériorisation du bien et son appropriation par la recherche du bien commun et de sa finalité propre. Le silence et la construction de l’homme intérieur font parti des ingrédients. Il faut libérer « le centre intérieur, la source vivante de la conscience personnelle où prennent naissance à la fois l’idéalisme et la générosité, le sens de la loi et le sens de l’amitié, le respect d’autrui, et en même temps une indépendance fermement enracinée à l’égard de l’opinion commune » nous dit Jacques Maritain.

Par l’éducation, il faut donner un chemin d’autonomisation et d’accomplissement à l’éduqué, chemin qui le fera devenir toujours plus une personne, en consentant librement à se donner pour un être ou une cause digne et, au premier chef, pour le bien commun. L’éducation est un art difficile qui demande l’exercice de la prudence et de la patience et beaucoup de « détachement » pour aider ceux qu’on éduque à devenir toujours plus des personnes. « J’ai insisté sur le fait que l’éducation doit être centrée sur le développement et la libération de la personne individuelle. Ce que je critique, c’est cette forme erronée d’appréciation de la personne individuelle, qui, ayant en vue l’individualité au lieu de la personnalité, réduit l’éducation et le progrès de l’homme à la simple libération de l’ego matériel. Les éducateurs qui tombent dans cette erreur s’imaginent qu’ils apportent à l’homme la liberté d’expansion et d’autonomie à laquelle la personne aspire, tandis qu’ils nient en même temps la valeur de toute discipline et de toute ascèse, comme la nécessité de faire effort vers la perfection personnelle. Le résultat c’est qu’au lieu de s’accomplir lui-même, l’homme se disperse et se désintègre » 1 .

Ainsi, l’éducateur contribue-t-il, au-delà de la formation de ceux dont il a la charge, au service du bien commun sans oublier que l’homme est une personne. « Dire que l’homme est une personne, c’est dire que, dans la profondeur de son être, est plus un tout qu’une partie ». Ainsi s’il y a une primauté du bien commun dans ce monde ce ne peut être que dans une perspective chronologique et structurelle.

 

1. Jacques Maritain, « Pour une philosophie de l’éducation »

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