Les 15-16 juin 2015 a été organisé un colloque sur la qualité de vie dans les territoires, en partenariat avec l’Assemblée Permanentes des Chambres d’agriculture et le think tank Sol et Civilisation qui anime depuis près de 25 ans une réflexion sur la place et le rôle de l’agriculture, des acteurs et des espaces ruraux dans les équilibres de société.
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L’agriculture, au centre de la vie des hommes dans le territoire
Les contributions de l’agriculture à la qualité de vie dans un territoire sont multiples. L’agriculture est d’abord une activité nourricière, mais cette fonction vitale se complète de multiples autres contributions actuelles ou potentielles. Des crises sanitaires récentes ont mis en évidence la dimension de sécurité alimentaire (sécurité d’approvisionnement) et sanitaire (qualité, traçabilité) attachée à l’agriculture dans un territoire, cependant que la connaissance se développe de façon plus précise sur les liens santé-alimentation-agriculture-environnement. L’agriculture et ses productions dans un territoire portent une dimension économique et sociale. Elles sont également des indicateurs d’identité culturelle, de qualité de vie et de convivialité. Cette activité imprime sa marque sur les paysages et sur la qualité du territoire (qualité environnementale, biodiversité). Enfin, l’agriculture est un indicateur de vie et d’activité humaine, de travail, de professionnalisme et d’excellence dans un territoire. Tout ceci concourt à faire de l’agriculture tout autre chose qu’une activité ordinaire de production.
De fait, l’agriculture et les agriculteurs se trouvent aujourd’hui au centre d’attentes considérables de la part de la société. Les agriculteurs sont placés, à travers leur activité, au centre de la vie dans le territoire et de l’attention de ses habitants. Ils se trouvent au carrefour d’exigences parfois contradictoires. Ils sont parfois montrés du doigt, dénoncés comme fauteur de trouble sanitaire ou écologique. Les techniques agronomiques développées depuis plusieurs décennies font l’objet de controverses. Leur activité se trouve au cœur de dilemmes sur le long terme, voire sur le très long terme (comme le révèlent les scénarios de transition écologique) et de choix de société. Il faudrait alors, par exemple, pour un territoire donné, choisir entre production énergétique et production alimentaire, entre accessibilité des produits au plus grand nombre et d’autres priorités, parfois au prix d’un renchérissement des produits alimentaires. Il conviendrait également de trouver un équilibre entre globalisation et régionalisation des approvisionnements alimentaires. Il faudrait même choisir entre consommation de viande et d’autres formes d’alimentation moins consommatrices d’espace agricole. Autant de choix qui ne peuvent être internalisés par les seuls agriculteurs et qui devraient ramener chacun à ses responsabilités de consommateur et de citoyen.
De façon paradoxale, l’agriculture focalise des attentes considérables alors même que de nombreux agriculteurs français vivent mal avec un métier et des conditions de travail très difficiles. Malgré une durée du travail élevée, certains connaissent des situations de précarité économique et des conditions de vie dégradées. Les agriculteurs subissent des contraintes de plus en plus fortes qui s’exercent sur leur métier et sur leurs modes de vie. Ils doivent répondre à différents enjeux parfois contradictoires, sociaux, économiques, sanitaires et environnementaux, à court, moyen et long terme. Des contraintes économiques et financières poussent leur activité vers toujours plus de productivité, d’automatisation, de technologie de l’information et du contrôle. Ils doivent aussi répondre à des contraintes normatives fortes et s’inscrire dans des politiques incitatives souvent incontournables pour leurs équilibres financiers. Celles-ci réduisent chaque jour leurs marges d’initiative et leur liberté. Il en résulte une forme de malaise qui concerne aussi bien leurs conditions de vie que le sens de leur activité pour eux-mêmes comme pour la société.
Ouvrir un chemin d’écologie humaine dans l’agriculture
Les activités agricoles se situent donc au cœur du devenir des territoires et de la qualité de vie des personnes. Le développement des contributions des activités agricoles à la qualité de vie dans le territoire est une question complexe qui concerne d’abord les agriculteurs mais également l’ensemble des acteurs du territoire, bénéficiaires potentiels de ces qualités.
Les réponses à ces situations complexes ne sont pas seulement techniques, financières ou organisationnelles. Plutôt que de faire une revue des politiques, des normes et des techniques qui devraient impulser un changement, il s’agit ici de se situer à hauteur d’hommes, de regarder comment peuvent s’agencer de nouvelles formes de coopérations entre les acteurs dans le territoire. Pour cela, il est nécessaire d’étudier des parcours d’agriculteurs qui, dans le cadre de partenariats multiples, ont construit des itinéraires de changement viables dans chaque contexte, parvenant à retrouver des marges de liberté, à innover dans des formes agronomiques et sociales adaptées aux enjeux de la vie et de développement dans leur territoire et à transmettre les outils qu’ils ont ainsi construit.
Il ne s’agit pas ici de constituer une vitrine, de faire une collection de “success stories“ mais de regarder en quoi ces parcours peuvent être source d’inspiration pour le plus grand nombre. Montrer le chemin de tel ou tel agriculteur pour mieux répondre à ses propres aspirations comme à celles de ceux qui l’entourent (sa famille, ses voisins, ses clients, ses partenaires) ne revient pas à faire de l’un d’entre eux un nouveau modèle unique. Il s’agit au contraire de prendre en compte la complexité et d’éviter les solutions simplistes qui opposent ceux qui pourraient travailler ensemble. Il s’agit d’illustrer la pluralité des chemins, d’affirmer le droit à l’erreur et l’exigence d’une viabilité réelle (et d’une transmissibilité) de chaque parcours, bien loin d’une vision idéologique qui voudrait imposer à tous un modèle qui serait impraticable pour un grand nombre.
En analysant ces parcours, il est également nécessaire d’identifier les obstacles, les facteurs pénalisants, ainsi que les opportunités, les partenariats et les leviers de gouvernance locaux, régionaux, nationaux, européens qui sont susceptibles de favoriser ces processus et leur diffusion, ceci pour, peut-être, formuler ultérieurement un projet partageable, ouvrir un chemin et trouver des leviers politiques.
Objectifs du séminaire
La séminaire a pour objectif de mettre en dialogue des agriculteurs (entre eux et avec la société) qui développent, en Outre-mer et en Métropole, des approches innovantes contribuant à renforcer la qualité de vie dans le territoire, dans des dimensions multiples et complémentaires, en lien avec des habitants des territoires, d’autres professionnels et des collectivités : qualité et sécurité des approvisionnements alimentaires, qualité de la santé, qualité du paysage, développement de l’identité culturelle, contribution à l’emploi, qualité de la nature, du vivant, des sols, innovation agronomique, éducation.
Il s’agit d’une part de rendre visible ces contributions et d’autre part de partager les chemins et les expériences menés par les agriculteurs, leurs succès comme leurs difficultés ou les obstacles qu’ils rencontrent pour identifier les conditions et les moyens (sociaux, économiques, réglementaires, politiques, culturels) du renforcement de ces démarches.
Une table ronde de conclusion, a la fin du séminaire, permettra de réaliser un partage de vue sur les moyens de promouvoir et d’accompagner ces agriculteurs dans leur démarche de déploiement de leur contribution à la qualité de vie dans le territoire en lien avec des représentants des pouvoirs publics et des institutions agricoles et du monde politique.
L’esprit général du colloque est de ne pas opposer les modèles et de regarder comment, lorsque les conditions sont réunies, les agriculteurs dans leur diversité peuvent déployer leur capacité d’initiative et leur créativité pour développer cette contribution à la qualité de vie et bénéficier eux-mêmes d’un renforcement de leurs liens avec les territoires et leurs habitants.
Outre une session d’introduction et une table ronde de conclusion, il est prévu de réaliser quatre séquences thématiques (deux le lundi, deux le mardi) où seront croisées et mises en discussion des expériences outre-marines et métropolitaines, les thèmes sont les suivants :
- Contributions des activités agricoles à la qualité de vie dans le territoire (sécurité, santé, convivialité, résilience, solidarité, durabilité, identité, culture, …)
- Parcours agronomiques, spécificités du territoire, autonomie et créativité
- Modèle économique, filière de valorisation, économie de proximité, économie globale, conditions et moyens d’un équilibre durable
- Partenariats publics et privés autour de l’activité agricole comme bien commun dans territoire, contribution des collectivités
Comité d’organisation
Le comité d’organisation du séminaire rassemble différentes organisations concernées par cette problématique :
- La Chambre d’Agriculture de Martinique
- Le Courant pour une écologie humaine
- L’association Sol et Civilisation
- La Chambre d’Agriculture de la Drôme
- L’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture