Parmi les alvéoles du Courant pour une écologie humaine, s’en trouve une particulièrement attachée aux problématiques agricoles. Dans cette équipe se sont retrouvés plusieurs agriculteurs et des professionnels du secteur. Ensemble, ils ont fait émerger des constats sur la profession. Ensemble, ils ont imaginé des pistes de solution. Ci-dessous, le second des trois volets : réconcilier les agriculteurs avec la terre.
Un métier en mutation
L’agriculture française est en mutation constante depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le contrat d’après-guerre, de produire en quantité et dans des conditions sanitaires a été tenu avec l’augmentation de la productivité, accompagné par la mise en œuvre de politiques publiques fortes dans ce sens, au point de bouleverser la physionomie du monde agricole. Cette évolution radicale a généré de multiples ruptures. Nous le constatons tous les jours. Le point de départ de notre réflexion collective a été d’apporter une réponse constructive à ces ruptures profondes. Et de proposer des raisons d’espérer.
Si les leviers d’action sont devenus pratiquement inaccessibles au niveau global – y compris pour les États –, il existe en revanche des marges de manœuvre considérables au niveau local, celui des territoires. C’est dans cette dynamique – et à ce niveau – que nous estimons possible de donner un nouvel élan à l’agriculture. Le déploiement d’un tel projet implique d’opérer une triple réconciliation : la réconciliation des agriculteurs avec leur métier, la réconciliation des agriculteurs avec la terre et la réconciliation des agriculteurs avec la société.
Volet 2 : réconcilier les agriculteurs avec la terre
La perte du sens du métier d’agriculteur a des répercussions négatives sur les relations que ces derniers entretiennent avec la terre. Au cours des dernières décennies, les pratiques agricoles ont fait des terres arables un simple objet d’exploitation, sans considération toujours suffisante pour leur complexité et sur leur fragilité. Cette rupture entre l’agriculture et la terre a néanmoins suscité, depuis quelques années, une véritable prise de conscience, y compris en dehors de la communauté agricole. Il apparaît aujourd’hui indispensable de mettre à jour les bonnes pratiques agronomiques capables de préserver réellement la qualité et la santé des sols.
Expérimenter
Pour un nombre croissant d’agriculteurs, cette mise à jour des pratiques agronomiques représente une évolution positive. Cela implique, pour eux, de véritablement se réapproprier des techniques de production compatibles avec la préservation des écosystèmes et de la santé. C’est avant tout au niveau personnel que peut s’effectuer ce processus de réappropriation, en l’intégrant dans une réflexion stratégique globale.
De nombreuses pistes peuvent aujourd’hui être explorées, telles que – par exemple – l’agriculture de précision, la permaculture ou l’agroforesterie. Au-delà de ces quelques références, il semble essentiel d’encourager chaque agriculteur à mener ses propres recherches personnelles et sa propre expérimentation à petite échelle, tenant compte des spécificités locales. En cela, la culture de jardins potagers offre la possibilité d’un apprentissage progressif.
Échanger et partager
Ces notions de progressivité et d’expérimentation apparaissent essentielles. Il ne s’agit pas d’encourager des reconversions radicales et immédiates sur l’ensemble des territoires mais plutôt d’accompagner les agriculteurs dans le sens de la redécouverte de techniques agronomiques ajustées et véritablement durables. Il semble que ces multiples efforts de réappropriation de ce qui constitue le cœur du métier d’agriculteur poursuivent un seul et même objectif : celui de mieux tenir compte de la vie aux sols et de l’extrême fragilité de leurs compositions et de leurs équilibres propres.
Les groupes locaux de réflexion sont indispensables afin d’accompagner ce renouveau dans le domaine agronomique. Les discussions et les échanges relatifs aux bonnes pratiques permettent en effet aux agriculteurs de progresser. Au contact des autres, ils peuvent accepter de remettre en question leurs propres pratiques et envisager positivement de nouvelles techniques de production.
Former
La formation est également un levier indispensable afin d’accompagner ce mouvement de réappropriation de bonnes pratiques agronomiques. Une formation de qualité – incluant un véritable enseignement agronomique et non une simple sensibilisation environnementale – doit être dispensée à tous les niveaux, de l’enseignement secondaire à l’école d’ingénieur. L’enseignement théorique doit impérativement être complété par une formation pratique exigeante [et non dogmatique]. Il convient de donner aux étudiants les moyens de développer une réflexion personnelle afin de les aider à déployer des projets innovants.
Cette exigence de qualité est également requise pour la formation continue des agriculteurs dans le domaine agronomique. Dans la mesure où ils sont proposés dans un cadre indépendant, ces parcours de formation pourraient permettre aux professionnels de faire un bilan périodique de leurs pratiques et d’acquérir de nouvelles compétences techniques.
Lire le volet n°1 : réconcilier les agriculteurs avec leur métier
Lire le volet n° 3 : réconcilier les agriculteurs avec la société