Les transitions énergétiques sont régulièrement abordées soit sous l’angle économique, soit sous l’angle environnemental. Ces deux approches vont naturellement conduire à rechercher une diminution de la consommation énergétique, mais alors que la première aura tendance à privilégier des énergies peu onéreuses quitte à avoir des effets environnementaux mal maîtrisés, la seconde va souvent préconiser l’utilisation de sources d’origines naturelles voire la suppression de certaines utilisations de l’énergie.
PARADOXES ENERGETIQUES
“Et si avant de poser la question de la quantité ou de la qualité de l’énergie que nous consommons, nous posions la question de la finalité de cette consommation ?”
Malheureusement l’origine naturelle de l’énergie n’est pas garante de son faible impact environnemental, on peut penser ici aux ravages faits dans certains pays par le développement des biocarburants au détriment des cultures alimentaires, et l’abandon de l’énergie prend parfois des airs de recherche utopique d’un âge d’or perdu. Et si avant de poser la question de la quantité ou de la qualité de l’énergie que nous consommons, nous posions la question de la finalité de cette consommation ? L’usage que nous faisons de l’énergie est-il justifié ? La source d’énergie que nous utilisons est-elle appropriée ? Est-elle exploitée de façon responsable ? Comment mettre l’énergie au service d’un projet pour l’homme et son environnement, plutôt qu’à disposition de la satisfaction de besoins plus où moins réels ? Prenons quelques exemples afin d’illustrer cette approche.
CONSOMMATION ELECTRIQUE ET DANS LES TRANSPORTS
Alors que la consommation des appareils électroniques diminue, la multiplication des équipements et leur utilisation de plus en plus prolongée fait augmenter sensiblement la consommation. Ce phénomène est présent aussi bien chez les particuliers que dans l’entreprise. Combien de téléviseurs ou d’ordinateurs allumés sans personne devant ? Quel est le coût énergétique d’une publicité qui va pendant quelques secondes monopoliser la consommation électrique de milliers d’appareils ? Mais aussi combien de « box » d’accès à internet sous tension en permanence pour une utilisation finalement épisodique ? Sommes-nous conscients en utilisant internet de la quantité d’énergie utilisée pour faire transiter l’information ? L’utilisation que nous en faisons le vaut-elle ?
La consommation d’énergie dans les transports est en hausse croissante du fait d’une sorte de schizophrénie de l’aménagement urbain. Les grandes villes attirent toujours plus l’activité économique, alors que dans le même temps de grands centres commerciaux se développent en périphérie au détriment des commerces de proximité, que les industries sont rejetées à l’extérieur en raison des risques inhérents à l’activité et que le coût et l’exiguïté des logements urbains conduits à une certaine fuite des villes vers les villages. Une nouvelle vision de l’aménagement du territoire est ici nécessaire pour éviter le cloisonnement territoriale et favoriser les transports en communs bien plus économe en énergie.
« L’appareil final devient alors effectivement non polluant, mais l’électricité utilisée doit bien être produite, transportée et éventuellement stockée. »
Une vision trop partielle de la protection de l’environnement a conduit dans le bâtiment à un moment à utiliser presque exclusivement des solutions de chauffage électrique, et l’on observe une tendance un peu similaire actuellement dans l’automobile. L’appareil final devient alors effectivement non polluant, mais l’électricité utilisée doit bien être produite, transportée et éventuellement stockée. Ces processus sont eux consommateurs d’énergie et polluants, et il n’est pas possible de les exclure de la réflexion. Même les énergies dites vertes peuvent avoir des défauts avec cette grille de lecture, comme le solaire qui nécessite l’utilisation massive de semi conducteurs et qui suivant son implantation peut également conduire à des problèmes de ruissellement, ou comme l’hydroélectricité qui nécessite la création de retenues importantes, …
REFLEXIONS POUR UNE SOCIETE MOINS ENERGIVORE
Chaque source d’énergie a ses avantages et ses inconvénients, stigmatiser l’une ou l’autre a priori n’a pas de sens. Il faut en revanche repenser notre environnement et notre utilisation de l’énergie afin de définir une société moins énergivore et trouver pour chaque utilisation la source d’énergie la plus appropriée. De nombreuses pistes peuvent être explorées pour cela, qui nécessiteront cependant des campagnes de sensibilisation compte tenu des évolutions nécessaires :
- repenser l’aménagement du territoire pour rapprocher les différents domaines d’activité (industries, habitations, logement, …) ou faciliter les transports en commun entre ces différents espaces ;
- sortir de la course à la consommation comme seul moteur de la société, ne pas chercher à « créer des besoins » (qui ne sont donc au mieux que des envies ou des désirs), mais permettre à chacun de vivre dignement ;
- arrêter la logique de l’urgence et de la pulsion, conséquence du précédent point, en commençant par le monde de l’entreprise qui pourrait être aidé en cela en valorisant le long-terme. Par exemple en cherchant à valoriser la gestion de stock dans l’industrie qui pourrait être considérée comme un investissement plutôt que comme un capital immobilisé ;
- revoir la fiscalité de l’énergie pour l’appliquer indifféremment à toutes les sources d’énergie en fonction de critères globaux incluant l’ensemble du cycle de production (extraction, transport, production, …) et de consommation (incitation à l’achat d’équipement économes dans tous les domaines).