Rouler en fauteuil, oui mais avec panache !

13 Juil, 2023 | SOCIÉTÉ, TRAVAIL

À 21 ans, Paul de Livron subit un accident qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant. Cet ingénieur mécanicien, inventeur artiste, amoureux de la ville et de la nature, s’est depuis lancé dans la conception de fauteuils roulants en bois. Une première mondiale !

Je ne pense pas qu’il y ait de secret pour surmonter à tous les coups les grosses galères de la vie. Mais je pense que ça peut nous aider de nous souvenir des galères passées et constater qu’on s’en est sorti.

Paul de Livron

L’histoire de Paul

Paul de Livron : “J’ai 31 ans, j’habite à Bois-Colombes, je suis ingénieur de formation et depuis trois ans, je me suis orienté vers l’entrepreneuriat. Je travaille sur des projets divers et variés, plus récemment sur la fabrication et le développement de fauteuils roulants en bois. Je suis moi-même en fauteuil roulant depuis un accident qui m’a fait perdre l’usage de mes jambes, il y a dix ans.

La genèse du fauteuil roulant en bois

Les fauteuils roulants que j’utilisais étaient très chers et ne convenaient jamais parfaitement à mes besoins ; je me suis promis qu’un jour, je fabriquerais mes propres fauteuils roulants, en m’aidant de ma formation d’ingénieur en mécanique.

Et ce jour est arrivé lorsque j’ai découvert une machine spéciale bois. J’ai alors eu un déclic. Je ne savais pas travailler le titane, l’aluminium et encore moins la fibre de carbone. Mais avec le découpage des pièces en bois rendu possible par cette machine, j’ai réalisé que cela me permettrait de fabriquer des fauteuils roulants en bois de façon inédite.

Le premier prototype était un vrai challenge. Défi relevé ! J’ai eu la bonne surprise de constater qu’il provoquait des interactions avec les badauds que je croisais en me promenant. Cette fois, je n’étais pas regardé avec de la pitié ou de la tristesse. Non. Ces personnes me regardaient car elles étaient impressionnés par l’esthétisme de mon fauteuil roulant ! À partir de ce jour, je l’ai considéré comme un accessoire de mode.

Rouler en fauteuil avec panache : Paul de Livron

La différence avec les autres fauteuils roulants

Ce qui était un simple challenge s’est transformé en une incroyable aventure : j’ai choisi de me consacrer pleinement au développement de ce produit qui a un important potentiel. En plus de présenter une esthétique inhabituelle, ce sont des fauteuils roulants performants : légers, confortables, faits sur mesure. Et peut-être qu’un jour, ils seront moins coûteux que ceux du commerce.

Ce sont les seuls fauteuils roulants modernes en bois au monde actuellement.

Low-tech et autonomie

À l’usage, n’avoir qu’un seul fauteuil roulant pour toutes les situations de la vie quotidienne n’est pas si pratique. Imaginez : il pleut, je roule 10 kilomètres ici et là pour mon activité ; quand je rentre chez moi, inévitablement, avec le même fauteuil, je fais de magnifiques traces de boue sur le tapis de mon salon ! Au bureau, à un mariage, en train de regarder un film, je suis toujours dans le même fauteuil ! C’était une source de frustration.

Par ailleurs, mon projet de fauteuil roulant va dans le sens de la philosophie low-tech : plus frugal en énergie dans sa conception, usage de matériaux respectant mieux l’environnement, utilisation ajustée des moyens techniques.

C’est une grande fierté pour moi d’être capable de fabriquer les dispositifs qui compensent mon handicap. Si tous les fabricants faisaient faillite, je ne me retrouverais pas bloqué chez moi. Je serais capable de me fabriquer mon propre fauteuil roulant, et même en faire pour d’autres !

Entreprendre en situation de handicap

Aussi étonnant que cela puisse paraître, j’ai beaucoup de chance d’être en situation de handicap pour entreprendre ; j’ai l’impression que cela donne envie aux gens de m’aider à faire aboutir mon projet. L’histoire qui se construit au fur et à mesure que mes projets avancent fait rêver et rassure : oui, on peut être en situation de handicap, être vulnérable, et vivre ses rêves.

La chance de vivre en France

Je m’estime heureux de vivre dans une nature dominée (dans le bon sens du terme) par l’homme. Je sais pertinemment qu’il y a encore un siècle, je n’aurais probablement pas survécu à l’accident que j’ai eu. L’idée même d’avoir un travail n’était pas envisageable pour une personne en situation de handicap voilà 50 ans.

Évidemment, la société n’est pas parfaitement adaptée aux personnes handicapées. Il reste encore du chemin à faire en France. Mais pour avoir vu ce à quoi ressemblait l’état des choses relatives à cette question dans des pays comme l’Inde, plus précisément à Calcutta, j’ai l’impression qu’en France, je vis dans un sacré paradis pour les personnes en fauteuil roulant !

À Calcutta, j’ai passé trois semaines dans un dispensaire tenu par les Sœurs de la Charité. C’est l’ordre religieux créé par Mère Térésa. Les hommes et les femmes vivaient séparément dans le dispensaire. Chez les hommes, beaucoup étaient dans la même situation que moi. Sauf qu’eux étaient au nombre de 70 et ne bénéficiaient que de trois fauteuils roulants pour tous ! Et quels fauteuils roulants ! Je n’aurais échangé pour rien au monde avec le mien.

Je suis rentré en France avec une nouvelle envie, celle de trouver une façon de fabriquer des fauteuils roulants qui pourraient être applicables à des pays aux moyens industriels et financiers moins élevés que le nôtre. J’espère retourner un jour à Calcutta et dire regardez ! Je vais vous apprendre à fabriquer des fauteuils roulants performants !

Pape François, ambassadeur

Il se trouve que le pape François a accepté d’être l’ambassadeur de mon projet. J’avais choisi initialement de faire un fauteuil roulant pour le pape François, ainsi que pour le pape émérite Benoît XVI. Avec ces deux fauteuils roulants, je comptais financer la fabrication d’un troisième identique pour ma sœur aînée qui a une maladie invalidante.

Finalement, le pape Benoît XVI est décédé et je me suis rendu compte que le fauteuil roulant qui conviendrait au pape François n’était pas du tout celui qui conviendrait à ma sœur…

Je suis donc en pleine fabrication du fauteuil du pape. Livraison prévue le 23 septembre 2023 !

Garder espoir en dépit des difficultés

Je ne pense pas qu’il y ait de secret pour surmonter les grosses galères de la vie. Mais je pense que ça peut nous aider de nous souvenir des galères passées et constater qu’on s’en est sorti.

Alors, peut-être est-il bon de se conserver dans un état où l’on est prêt à affronter les épreuves en se créant des gentilles petites galères ! Faites des voyages en stop, faites des choses nouvelles ! Vous allez vous retrouver face à des galères un peu artificielles, mais dont on sait qu’elles auront une issue heureuse. Cela vous permettra, quand la galère ne sera pas artificielle, de vous remémorer de ces moments et vous rappeler qu’il y a toujours un mieux à l’horizon.”


Pour en savoir plus sur les actu et projets de Paul de Livron, c’est ici : https://linktr.ee/paul2livron

Poursuivez votre lecture avec une approche plus high-tech du handicap : Impression 3D, handicap et solidarité

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance