Damien Colcombet est sculpteur animalier. Sa quête ? Être le plus réaliste possible en représentant les animaux qui l’inspirent. Comment fait-il pour cela ? Il raconte.
La nature, c’est une passion, un repos, une joie profonde, c’est la beauté d’une ligne, d’un pelage, d’un plumage, des écailles… C’est une vie indépendante et fascinante. On observe l’autre, indépendant.
Damien Colcombet
Comment je suis devenu sculpteur animalier
Damien Colcombet, sculpteur animalier : “Je n’ai pas toujours fait ce métier. Pendant 20 ans, j’ai travaillé dans la finance – j’ai notamment assuré la direction financière de groupes de presse pendant une dizaine d’années.
Plus tard, j’ai été rattrapé par ma passion profonde : mon intérêt pour les animaux, tant la faune domestique que sauvage. De fait, depuis mon enfance, j’ai cette passion viscérale.
Et depuis une quinzaine d’années, j’ai la chance de vivre de cet art qu’est la sculpture animalière et d’en faire vivre ma famille.
La sculpture animalière : un art dans lequel les Français excellent
À l’adolescence, j’ai découvert la grande école de la sculpture animalière française, grâce à un nom bien connu des collectionneurs : Antoine-Louis Barye (1795-1875). En apprentissage dès l’âge de 14 ans chez Fourier, un graveur sur métaux, il a eu la chance de découvrir les zoos ; zoos qui ont été ouverts au public à cette époque-là (ils étaient privés jusqu’alors).
Après la Révolution française, ce qui restait du zoo de Versailles fut ramené à la ménagerie du Jardin des Plantes et ce dernier s’est ouvert au public. Les visiteurs découvraient avec stupéfaction grands fauves, éléphants, toutes sortes d’antilopes, etc.
Antoine-Louis Barye s’est mis à les modeler ; il a eu beaucoup de succès et a créé une véritable école de la sculpture animalière française, d’une précision et d’un réalisme remarquable, avec des fontes parfaitement réalisées.
L’évolution de la sculpture animalière
On s’aperçoit qu’au 19ᵉ siècle, les sculpteurs ne cherchaient pas à représenter l’animal de façon stylisée, lisse, déchirée, destructurée ou esquissée. Ils cherchaient à s’approcher au maximum de l’animal réaliste, figuratif. Et puis les choses ont progressivement évolué, avec quelques grandes étapes.
Rembrandt Bugatti (1884 – 1916) a représenté les animaux de façon plus esquissée. La sculpture a une apparence inachevée, on y voit des traces d’outils, des traces de doigts, avec un résultat absolument magnifique.
Et puis François Pompon (1855 – 1933) a imposé son style, avec des animaux totalement lisses.
Le 19ᵉ siècle est sans doute l’un des siècles où l’art atteint le sommet en France. Pour la simple raison que la formation des artistes était extrêmement exigeante et poussée. Avec des cours aux Beaux-Arts difficiles, des longues séances de formation dans les musées à recopier les œuvres, etc. Aujourd’hui, malheureusement, on explique souvent aux artistes qu’ils n’ont pas besoin de faire de gammes et puisqu’ils sont artistes, tout ce qu’ils font est génial.
Dans l’art contemporain, il existe une déconnexion radicale entre ce que veulent les collectionneurs (qui achètent) et ce que font (ou veulent faire) les artistes.
Observation et compréhension de l’animal : la base pour être en mesure de sculpter
Ma passion profonde, c’est l’animal ; il provoque chez moi un tressaillement intérieur, une fascination. Et pour bien le représenter, il faut comprendre son comportement, sa mécanique.
Un exemple : on sait qu’un éléphant ne peut pas sauter. Il n’est pas en capacité de galoper sur une seule patte comme un cheval, puisque ses articulations lui imposent d’avoir toujours deux pattes au sol, même quand il court. Si cela n’est pas compris par le sculpteur, la représentation sera ratée. Pour être en mesure de sculpter sans trop d’erreur, je me documente quotidiennement sur l’animal de mon choix. Mais croyez-moi, c’est sans effort puisque c’est par passion que je fais ce métier !
La chose la plus importante est le sens de l’observation. Je crois qu’on a tous un sens de l’observation, qui est appelé à être développé par les habitudes, la culture, l’environnement ainsi que l’héritage familial. De toute évidence, les personnes qui vivent à la campagne, ou celles qui côtoient régulièrement les animaux, ont un sens de l’observation beaucoup plus développé que les urbains purs. Ils acquièrent cette richesse grâce à leur environnement.
La sculpture animalière : un art technique
La France est sans doute l’un des pays ayant le plus grand savoir-faire en matière de fonte. Il y a deux techniques pour fondre un bronze ; il y a la technique de la fonte au sable et celle de la fonte à la cire perdue.
La fonte au sable est techniquement plus simple mais demande plus de main d’oeuvre. L’artiste crée une pièce en plâtre, en cire, en terre et il va l’imprimer dans un bac de sable. Et le bac de sable va prendre la forme creuse de la pièce sur plusieurs côtés, et dans cet espace, on coulera le bronze.
La fonte à la cire perdue, quant à elle, est plus complexe techniquement mais demande – aujourd’hui – moins de main d’oeuvre et c’est donc celle qui est privilégiée aujourd’hui. Cela commence par la fabrication d’un moule souple, pris par empreinte sur le modèle en plâtre ou en terre. Après démoulage, le modèle est rangé soigneusement ; il servira à parfaire la sculpture finale. Le moule souple, maintenu par une chape de plâtre, est rempli par un matériau très résistant qui servira de noyau. Sa forme est replacée dans le moule et maintenue à distance des parois par des tiges métalliques. Entre le noyau et la paroi du moule, on coule de la cire liquide, qui durcit. On ouvre le moule. La forme souple est nettoyée en vue d’une éventuelle réutilisation.
L’épreuve en cire, contenant toujours le noyau, est retouchée et signée par l’artiste. On y inscrit le numéro du tirage et le cachet de la fonderie. On crée autour d’elle un réseau de tiges en cire. Le tout est enveloppé d’une terre réfractaire capable de supporter la température et la pression du bronze en fusion. Ce moule de coulée est introduit dans un four pour le cuire et faire fondre la cire qui glisse, liquide, hors du moule (et qui sera réutilisée pour les prochaines sculptures). On y verse à la place le bronze en fusion. Lorsque le bronze est refroidi, le moule est brisé. Commence alors un long travail de finition. Enfin, des oxydes métalliques sont appliqués sur le bronze ; par une corrosion maîtrisée, ils forment la patine, qui protège la surface de l’œuvre et la colore d’une tonalité brune, verte, bleue ou noire.
Quand le Parc de la Tête d’Or, à Lyon, accueille des girafes
Je visite énormément de zoos partout dans le monde. Au zoo, on a le temps, les yeux et les cœur ouvert. On est prêt à s’arrêter quelques minutes pour observer un zèbre mais également une belle œuvre d’art. Et de fait, dans la majorité des zoos, on trouve des œuvres, des sculptures.
Or, au zoo de Lyon, situé en plein cœur de la ville, au Parc de la Tête d’Or, qui est l’un des zoos les plus visités de France, étant gratuit, il n’y avait aucune oeuvre d’art. J’ai proposé d’en réaliser une. Quand j’ai soumis mon projet à la commune, Gérard Collomb a semblé très intéressé, mais n’avait aucune aide financière à me proposer.
Nous avons donc lancé une grande collecte auprès de mécènes et de particuliers. Et il y a eu un élan fantastique de solidarité ! Grâce à cela, aujourd’hui, une girafe et son girafon trône dans ce beau zoo de Lyon.”
Poursuivez votre lecture sur le thème animalier : Zoocities – des animaux sauvages dans la ville