Pour la deuxième soirée du parcours de form’action Cap 360° saison 2, Gilles Hériard Dubreuil, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine, nous rappelle en quoi il est important de prendre le temps de “se situer”.
Gilles Hériard Dubreuil : « SE SITUER, c’est le premier grand pilier de notre fil rouge de l’année (« Tout l’Homme ! »), qui va nous permettre, dans un deuxième temps, de nous mettre à agir. Car pour agir, nous avons besoin de nous situer.
Parmi les diverses dimensions à observer pour réussir à « se situer », il y en a une qui est très importante : le fait de situer notre histoire (avec un petit h) dans l’Histoire (avec un grand H). Dans une société où nous sommes confrontés à de grands bouleversements – organisation de notre économie, écologie (notre relation avec « l’oikos », la nature), technique, modes de vie (consommation, transport…), il s’agit de définir ensemble un récit collectif : ce que nous sommes et quel futur nous souhaitons mettre en place.
En Europe, le discours est morcelé, il n’y a pas véritablement de vision commune. Il s’agit donc de reconstruire un discours cohérent qui nous permettra d’aborder de façon globale ces changements qui, aujourd’hui, nous déstabilisent.
Ces problématiques tant environnementales, sociales, militaires, semblent parfois menaçantes. Tous les jours, en découvrant les actualités sur ces sujets, nous nous demandons quel sens tout cela a. Deux réactions sont alors envisageables : soit nous replier sur nous-même, dans une logique de peur, soit nous déployer et tenter de réinterpréter le cadre donné.
Je peux rester spectateur, en dehors du cadre. Ou bien acteur, dans le récit, dans l’Histoire. Ce qui me donne la force de poser une interprétation sur ce qui se passe et de donner un sens constructif et positif à ce qu’il va advenir.
Il ne s’agit pas seulement d’être observateur, mais de dire avec assertivité : « voilà ce que nous attendons, voilà ce que nous sommes en train de construire et voilà comment nous sommes en train d’interpréter les faits ».
Pour ce faire, il faut une forte base anthropologique. C’est à travers une certaine vision de l’Homme que nous allons pouvoir nous orienter. Nous partons d’une humanité qui a ses caractéristiques, une humanité qui doit être clairement définie ; c’est à partir de cela que nous pouvons penser l’avenir et savoir dans quelle direction nous engager. Si l’on propose un projet transhumaniste, par exemple, qui semble absolument fabuleux. Est alors proposé un avenir spécifique où l’Homme est transformé, augmenté, doté d’une capacité de puissance nouvelle, grâce à la technologie. Sans anthropologie forte et assumée, comment savoir si ce projet correspond à ce que l’on veut pour l’Homme ? Voilà en quoi la vision de l’Homme proposée par le Courant pour une écologie humaine nous aide à construire notre point de vue.
Une fois que j’ai assimilé une anthropologie qui me convient, comment avancer avec un regard bienveillant ? Nous voyons chaque jour des conflits s’exacerber, des groupes se polariser et l’on nous demande sans cesse de nous placer « pour” ou “contre » de façon assez radicale, car c’est ainsi que la société se structure… Ce qui n’incite pas toujours à la bienveillance…
Ce sera donc un premier défi : construire un récit pour cet avenir en nous plaçant spontanément dans la bienveillance, par rapport à ce qui a été fait – même si beaucoup de choses doivent changer – et par rapport aux autres, avec lesquels nous devons construire le monde de demain.
Le deuxième défi sera celui de l’ambition. Prenons un exemple, celui de la transition énergétique : est-ce seulement un problème technique à régler ? Ou est-ce l’occasion de régler des problèmes beaucoup plus profonds, telle que la solidarité humaine ? Oser remonter aux sources de la problématique étudiée…
Revenons à ce que Tugdual Derville appelle appelle « le temps de l’Homme » : nous sommes tous appelés à co-construire cette société de demain, dans laquelle l’être humain sera au centre… ou ne sera pas.”