Des nouveaux-nés naissent parfois avec une espérance de vie limitée : quelques minutes, quelques heures ou quelques jours. Dans ces situations se pose alors la question de comment les prendre en charge le plus humainement possible, et de quelle place donner à leurs parents ?
POURQUOI DES SOINS PALLIATIFS NÉONATAUX ?
Différentes situations peuvent se présenter à nous en salle d’accouchement. Certaines sont inopinées comme un enfant trop prématuré pour réussir à vivre et être réanimé.Et d’autres sont prévues et réfléchies auparavant en concertation avec les parents et le corps médical, comme un enfant atteint d’une malformation importante n’ayant que peu de temps à vivre. Comment rendre alors ces « petits » temps de vie le plus humain possible pour l’enfant, les parents et le personnel ?
« Savoir que l’on peut l’accompagner et partager ne serait-ce que quelques moments de sa vie, rend aux parents ce sentiment d’être vraiment parents et d’avoir été présents pour eux jusqu’au bout. »
C’est bien parce que la prise en charge actuelle ne me satisfait pas, que dès que j’ai entendu parler de soins palliatifs en salle de naissance, j’ai voulu savoir si cette prise en charge pourrait être une solution pour rendre ces moments de souffrance plus acceptables.
Bien sûr la souffrance de savoir que l’on va perdre son enfant demeure, mais de savoir que l’on peut l’accompagner et partager ne serait-ce que quelques moments de sa vie, rend aux parents ce sentiment d’être vraiment parents et d’avoir été présents pour eux jusqu’au bout.
Pour nous soignants, nous avons aussi ce sentiment d’avoir pu participer au maximum au bien-être de cet enfant, qu’il puisse s’en aller sereinement, sans douleur, et accompagner jusqu’au dernier moment.
Pour rappel, la loi Léonetti (n° 2005-370 du 22 avril 2005) « relative aux droits des malades et à la fin de vie a pour objectif, tout en conservant à l’interdiction de donner la mort son caractère absolu, de concilier de façon équilibrée et prudente plusieurs principes fondamentaux :
- l’interdiction de l’obstination déraisonnable, l’obligation pour le médecin de prodiguer des soins et de respecter la dignité du patient, jusqu’à sa mort,
- le respect de la volonté du malade,
- l’encadrement de la délivrance des médicaments à « double effet » et la prise en charge de la souffrance » (BOMJL n° 2011-10 du 31 octobre 2011)
C’est donc en essayant d’appliquer cette loi aux nouveaux-nés également qu’ont été pensés les soins palliatifs néonataux.
CONCRÈTEMENT, EN QUOI CONSISTENT CES SOINS ?
« Aucune prise en charge n’est vraiment figée, nous nous adaptons au fur et à mesure des minutes qui passent… »
Suivant les différentes situations, l’équipe médicale va discuter avec les parents du moment de la naissance et de la prise en charge possible de leur enfant. Dans la plupart des situations, l’enfant ne vivra que quelques minutes ou quelques heures (2 à 3 heures). Nous expliquons alors aux parents qu’une fois leur enfant né, nous (sage-femme et auxiliaire de puériculture) allons le sécher, le réchauffer, le « cocooner » afin qu’il ne souffre pas, et qu’aucun geste invasif de réanimation ne sera effectué. Nous resterons près de lui au maximum (suivant le travail qu’il y a en salle, nous ne pouvons pas assurer qu’il y ait quelqu’un en permanence près de lui). Et si nous avons l’impression qu’il a mal, qu’il souffre, le pédiatre pourra lui administrer des médicaments pour l’apaiser.
Nous leur expliquons qu’ils peuvent aussi prendre leur bébé tout contre eux, en peau à peau, ou dans leurs bras, que c’est cela qui l’apaise en général le plus…Nous pouvons faire des photos d’eux, rester auprès d’eux quand ils ont leur enfant, ou au contraire les laisser seul avec lui. Aucune prise en charge n’est vraiment figée, nous nous adaptons au fur et à mesure des minutes qui passent…
Ces moments prennent du temps, de l’énergie, mais sont toujours mieux vécus quand tout arrive à se dérouler sereinement, quand les parents se sentent écoutés dans ce qu’ils souhaitent faire ou non, et quand le personnel peut prendre le temps de bien expliquer tout ce qui se passe, comment va leur enfant (s’ils ne souhaitent pas l’avoir près d’eux), quels soins lui sont prodigués, etc.
LA RÉALISATION DU PROJET
« Il est important que tout le personnel soit acteur de cette prise en charge pour que cela fonctionne. »
Le projet est en cours de réalisation dans notre unité. Le point positif est que nous avons été dès le début plusieurs à être partantes pour faire évoluer nos pratiques vers les soins palliatifs (sages-femmes, pédiatre et psychologue). Nous nous sommes retrouvées à une journée de formation sur « les soins palliatifs chez le nouveau-né ». Revenues motivées par cette journée, nous décidons de faire part de nos réflexions à nos collègues en organisant une réunion à laquelle nous demandons à un intervenant du réseau régional de soins palliatifs pédiatriques, de se joindre à nous pour toutes questions concrètes sur la prise en charge. Suite à cela, un protocole est en cours de réalisation. Aujourd’hui le plus difficile dans sa mise en place est finalement de réussir à déterminer clairement le rôle de chacun afin que les charges puissent être partagées. Il est important que tout le personnel soit acteur de cette prise en charge pour que cela fonctionne.
L’équipe soignante (obstétriciens, pédiatres, sages-femmes et auxiliaires de puéricultures) doit être formée, savoir comment réagir face aux différentes situations, aux différents moments de vie de l’enfant et bien sûr être aussi en mesure d’accompagner les parents. Afin de pouvoir les accompagner sereinement, le personnel doit lui-même déjà être à l’aise, pouvoir expliquer et vivre les choses avec eux, essayer de ne pas se laisser trop prendre par les émotions au moment venu…
Nous restons bien sûr toujours sensibles à ces situations et c’est justement pour rester également compétents, qu’il faut que nous soyons tous préparés.
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L’auteur de cet article, qui souhaite rester anonyme, est une sage-femme de 7 ans d’exercice en milieu hospitalier.