Francisco Marques, formateur en expression théâtrale, se base sur son expérience professionnelle pour parler d’ouverture, à soi, à l’autre et aux autres (et dans ce sens précis, c’est mieux !). Où l ‘on (re)découvre l’importance d’accueillir ses émotions, d’assumer qui l’on est, de vivre des choses pour soi et pour autrui…
“L’art, c’est plonger l’Homme entre ciel et terre : la tête dans le ciel, les pieds enracinés dans le sol comme un vecteur entre le ciel et la terre.
Pour faire du théâtre, un préalable est requis : le désir. La même chose est nécessaire pour s’ouvrir : si on force l’ouverture, on risque de n’aboutir qu’à un repli sur soi plus intense.
Tout art permet de s’ouvrir. Quand on aborde la question artistique, on travaille sur l’espace des émotions. Toute personne qui vit une émotion – à travers la contemplation d’un paysage, l’émotion vécue dans une relation, etc. – crée une ouverture.
Ce que je trouve passionnant dans la pratique de l’expression théâtrale, c’est que l’on en vient toujours aux mêmes questions : d’où je pars ? Qui suis-je ? Cette problématique de l’enracinement est très importante pour guider la personne dans ce chemin parfois chaotique des émotions.
Quand j’accueille des personnes qui sont confrontées à des milieux professionnels difficiles, le travail de l’émotion les met dans une certaine fragilité. Cette fragilité est mal perçue dans notre société alors qu’elle est pourtant nécessaire à l’ouverture. En effet, “quand je suis faible, c’est alors que je suis fort”. En acceptant de baisser les armes, en laissant mes peurs de côtés, je peux m’ouvrir aux autres et accéder à une dimension totalement universelle de l’Homme : l’émotion que je vis ici et maintenant rejoint celle d’une autre personne à l’autre bout du globe.
Quant des personnes viennent pour prendre des cours de théâtre, je leur dis : « On part de vous pour aller vers l’autre et vers les autres. ». En effet, plus je me connais, plus j’apprends à m’aimer en vérité, plus je peux sortir de mes peurs et m’ouvrir aux autres. Je leur dis également régulièrement : « Surtout ne laissez pas vos valises à la porte, amenez-les ici afin de les ouvrir, en toute confiance, et voir ce qu’il y a dedans ! Cela va permettre de partir de qui vous êtes. » Rien n’est plus beau qu’une personnalité unique, avec ses aspérités et ses rugosités !
Quand on est sur un plateau, on est tout sauf un héro car on est alors amené à découvrir une certaine aridité, une vraie humilité. Toute personne s’aventurant sur ce chemin de l’émotion va se sentir, à un moment donné, démunie. Elle va réaliser, à travers la relation, que l’autre n’est pas un ennemi mais un allié.
Dans le milieu professionnel, on considère généralement l’autre comme un ennemi. Alors, est-il préférable de choisir la défiance ou la confiance pour faire aboutir des projets ?J’ai eu dernièrement en cours, un jeune homme qui travaille dans le milieu politique. Je lui ai demandé de faire un exercice sur le plateau qui faisait appel à l’autorité. Physiquement, il a baissé la tête ; on aurait dit qu’il avait deux cornes sur le front ! On avait l’impression qu’il était prêt à enfourcher ceux qui étaient en face de lui. Je lui ai alors demandé pourquoi il était dans l’affrontement. Il m’a répondu qu’il ne comprenait pas ma réaction et que c’était ainsi qu’on lui avait toujours parlé de l’autorité.
Au théâtre, le comédien n’affronte pas le public. Il ne s’agit pas d’un rapport de force. Au contraire, il se laisse regarder, il est relié au public qui devient à sa source d’inspiration. Le fait de ne pas être en confrontation permet d’être ouvert aux autres. Cette ouverture conduit tout doucement à être dans la vérité et de faire l’expérience d’unification de ce que je suis !
Le propre du théâtre, c’est de ne pas vivre des choses pour soi mais pour l’autre. Lorsque l’on se retrouve dans cette attitude de vérité, le public est alors bouleversé par l’authenticité de ce qui est en train de se vivre sur le plateau.”