Dans le cadre du forum Territoires Vivants 2021, dont le fil rouge était l’Eure-et-Loir, Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine, a interviewé Matthieu Bonnet, Président de Terres d’Eure-et-Loir et producteur de pommes de terre et Marie Éon, animatrice de Terres d’Eure-et-Loir.
Matthieu Bonnet : “Je suis président de Terres d’Eure-et-Loir depuis septembre 2020. Terres d’Eure-et-Loir est une association qui regroupe des producteurs, artisans, restaurateurs, traiteurs d’Eure-et-Loir ainsi que des magasins de produits du terroir. L’objectif est de faire connaître au mieux les différentes productions qu’il peut y avoir dans notre département. La marque Terres d’Eure-et-Loir a été créée en 2002 par la chambre d’agriculture et le conseil départemental. Et l’association a été créée en 2009 pour mieux s’organiser et pour que cela ne soit plus seulement la chambre d’agriculture qui gère la marque.
Aujourd’hui on a 124 adhérents avec 96 agriculteurs et producteurs, 36 magasins de produits du terroir dont 11 dans des exploitations agricoles, 2 restaurants et 1 traiteur. La marque s’adresse principalement aux agriculteurs pour pouvoir faire connaître nos productions, nos diversifications. Les restaurants sont là pour faire connaître nos produits aux consommateurs. Les restaurants qui adhèrent, doivent travailler avec un certain nombre de producteurs de la marque. Les magasins et traiteurs sont aussi dans l’obligation de travailler avec un certain nombre de producteurs. Les magasins sont le relais commercial de nos produits. La marque est là pour garantir une origine locale des produits, via les matières premières que l’on cultive dans nos exploitations.”
Tugdual Derville : sur votre logo, la région d’Eure-et-Loir est divisée en une multitude de “pays”. Or, aujourd’hui, vous insistez sur la dimension départementale : pourquoi ?
M. B. : “En effet, sur notre logo apparaît Chartres, la Beauce, Dunois, Drouais, le Perche. Ce sont les différentes régions qu’il y a en Eure-et-Loir. À la création de l’association, cela avait une certaine importance. Il y avait un vrai désir d’unifier l’Eure-et-Loir et de ne laisser personne de côté. Aujourd’hui, cela a un peu moins d’importance, peut-être parce que les différences entre régions sont de moins en moins marquées. Notre marque promeut le savoir-faire eurélien. Il se trouve que l’on n’a pas un produit phare qui fait connaître la région partout en France. C’est un désavantage par rapport au Gers, par exemple. La chance que l’on a, par contre, c’est d’avoir beaucoup de produits, très divers. La marque est là pour essayer d’unifier tout cela, et valoriser ces produits auprès du consommateur, principalement.”
Marie Éon : “En effet, nous n’avons pas d’Appellation d’origine contrôlée (AOP) ou d’Indication géographique protégée (IGP) en Eure-et-Loir. Créer cette marque permet ainsi d’identifier ce qui se fait chez nous. Les différentes régions – celles que l’on voit apparaître sur notre logo – valorisaient l’élevage dans le Perche, les céréales dans la Beauce (farine et huile), etc. Ça permettait de lier tout le monde. Aujourd’hui, on essaye vraiment de communiquer sur le fait que ce sont des produits d’Eure-et-Loir et qu’il n’y a pas de frontière dans ce département.”
T. D. : qui s’intéresse à vos produits, à votre marque ? Sont-ils destinés aux habitants d’Eure-et-Loir ou c’est pour l’exportation ?
M. E. : “Pour l’instant, on se concentre sur l’Eure-et-Loir.”
M. B : “Mais on aimerait aussi pouvoir exporter, à moyen terme !”
T. D. : Matthieu Bonnet, pouvez-vous nous en dire plus sur votre activité ? Et en quoi trouvez-vous votre compte dans cette marque locale dans laquelle vous vous êtes engagé au point d’en devenir le président ?
M. B. : “Je suis agriculteur-céréalier et producteur de pommes de terre. À côté de mon exploitation, j’ai un centre d’exploitation et de transformation de pommes de terre. On fait des petits filets de 2 kg, 2.5 kg et 10 kg de pommes de terre, que l’on distribue en direct dans les grandes surfaces de l’Eure-et-Loir.
La partie transformation nous permet de produire frites, cubes, lamelles – bref, tout ce que l’on peut faire avec de la pomme-de-terre crue – que l’on distribue en restauration collective et commerciale.
C’est mon père qui est rentré dans l’association. Il était l’un des fondateurs de la marque, en 2002. À l’époque, on faisait un peu de pomme de terre et on livrait au supermarché de la commune. Grâce à Terres d’Eure-et-Loir, cela nous a permis de rentrer dans les différentes grandes surfaces de l’Eure-et-Loir et de nous développer.”
T. D. : au-delà du circuit court, quelles sont les qualités reconnues à votre production de pommes de terre ?
M. B. : “On travaille beaucoup pour la restauration, on essaye donc de faire le meilleur produit possible, et c’est le même produit que l’on met également en grandes surfaces. On travaille beaucoup sur la qualité gustative. Après, malheureusement, les gens achètent beaucoup en fonction du visuel. Ce qui est normal – nous ne pouvons pas tout goûter dans un magasin et des pommes de terre crues encore moins ! Or, sur le visuel, on n’est pas toujours au top, ce qui ne veut pas dire que la pomme de terre n’est pas bonne. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons développé un atelier d’épluchage. C’est parce que l’on sentait bien qu’on était moins attractifs sur le plan visuel.
Nous sommes installés dans le Perche. On travaille de façon à avoir des pommes de terre sur toute l’année, pour fournir toute notre clientèle. On travaille également avec d’autres agriculteurs qui sont aussi membres de Terres d’Eure-et-Loir.”
T. D. : Finalement, vous nous incitez à ne pas juger selon l’apparence ! C’est très écologie humaine, ça ! Ça doit être valorisant de savoir qui consomme vos produits. Avez-vous des retours de consommateur ?
M. B. : “Pour nous, c’est très important d’avoir un lien avec nos consommateurs. Malheureusement, nous n’en avons pas réellement avec nos consommateurs finaux, car on travaille avec les moyennes et grandes surfaces, comme intermédiaires. Mais on fait des animations dans les magasins pour rencontrer le client. Le meilleur retour se trouve chez les restaurateurs, qui eux, ont le retour direct du consommateur. C’est sûr que c’est très valorisant quand un restaurant comme Le Grand Monarque, à Chartres, nous achète fidèlement nos produits !”