Saluons les Britanniques qui ont réussi à réintroduire un joli papillon bleu disparu, tout en aidant les autres pays d’Europe à le protéger. Leur découverte : ce papillon n’est rien sans… ses fourmis.
Un ravissant papillon disparu de Grande-Bretagne y revit, comme par miracle.
Il s’agit de l’Azuré du serpolet, Maculinea arion. Bleu vif, il est inféodé à certains genres de thym nommé aussi serpolet. Sa capture et la destruction de son habitat sont interdits eu Europe. En France, il est « localisé », c’est-à-dire présent en de rares lieux. En vol, vous ne verrez pas la différence avec d’autres espèces de petits papillons bleus plus communs. Posé, l’Azuré du serpolet se signale aux taches noires du dessus de ses ailes et au gris perlé de points noirs cerclés de blanc du dessous.
Pendant trente ans, les entomologistes britanniques ont assisté au déclin du papillon. Ils eurent beau placer des barrières pour limiter le piétinement des prairies, il finit par disparaitre en 1979.
Tragédie pour les amoureux de la nature !
Faute d’explication, il fallut chercher. Une équipe de l’université d’Oxford s’y attela. Les résultats de ses travaux sont ahurissants. Une corrélation fut d’abord établie entre l’extinction du papillon bleu et le déclin du lapin. Une cause commune fut trouvée : un changement dans la gestion des prairies sèches. Délaissées par les éleveurs, puis par les lapins ruinés par la myxomatose, les prairies n’accueillaient plus ce qui manquait à l’azuré : des fourmis ! Ces fourmis rouges, du genre mysrmica, vivent dans des conditions de température et d’hygrométrie que n’offrait plus l’herbe moins broutée, trop humide donc plus froide de quelques degrés.
Mais quel rapport entre la présence d’une fourmilière et la survie d’un papillon ? Il faut le voir pour le croire : après avoir été pondue sur du thym sauvage dont elle grignote les boutons floraux, la larve encore immature de notre Azuré se laisse tomber au sol. Elle émet alors une odeur et une stridulation – oui, un son ! – imitant ceux des reines des fourmis. À s’y méprendre, car les ouvrières se précipitent pour récupérer celles qu’elles prennent pour leurs larves et les transportent dans leurs fourmilières. Pendant dix mois, elles les nourrissent avec zèle, par régurgitation. En échange, la chenille de l’Azuré produit un miellat dont raffolent ses nurses, bien qu’il ne leur soit pas indispensable.
La relation d’interdépendance est dissymétrique : pas de fourmi, pas de papillon !
Les chercheurs ont donc compris qu’il fallait, pour le bel Azuré, une forte densité de pieds de thym et de certaines fourmilières, qui exigent que l’herbe soit broutée. Réintroduite en 1982 dans des biotopes adaptés, à partir de spécimens suédois, l’espèce a enfin prospéré.
L’article 42 de Laudato si’ sera la leçon de cette victoire. Le pape suggère : « d’investir beaucoup plus dans la recherche pour mieux comprendre le comportement des écosystèmes et analyser adéquatement les divers paramètres de l’impact de toute modification importante de l’environnement. En effet, toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les uns des autres. Chaque territoire a une responsabilité dans la sauvegarde de cette famille et devrait donc faire un inventaire détaillé des espèces qu’il héberge, afin de développer des programmes et des stratégies de protection, en préservant avec un soin particulier les espèces en voie d’extinction. »
Grâce aux Anglais, on sait préserver l’azuré du serpolet.
Cet article est tiré de la Chronique Des Animaux et des Hommes (24/03/2021), produite et diffusée sur Ktotv.