Largement promu par le gouvernement, les départements et les collectivités, le vélo est la vraie star de cette période de post-confinement. Sain et écologique, il peut être utilisé pour ouvrir à d’autres horizons que le simple trajet domicile – boulot ! Partons à la (re)découverte d’un moyen de locomotion responsable qui retrouve ses lettres de noblesse.
Le vélo : une histoire bien en selle
Avec l’éveil de la conscience écologique, la récente crise sanitaire et les enjeux croissants autour de la mobilité urbaine, le vélo reprend une place de choix dans les moyens de locomotion du XXIe siècle.
Inventé en 1817 par le baron allemand Karl Drais Von Sauerbronn sous le nom de Laufmaschine (machine à courir), le vélocipède, plus connu sous le pseudonyme de vélo, s’est largement démocratisé au début du vingtième siècle, devenant un des moyens de transport de prédilection des Français.
Bien que la pratique du vélo est bien souvent associée aux pays scandinaves, à l’image des Pays Bas ou du Danemark, le vélo fait partie intégrante du patrimoine français. C’est, d’ailleurs, la France qui accueille le plus grand événement sportif dédié au bicycle : le Tour de France !
Au fil du temps, le vélo a su coloniser toutes les sphères culturelles : la chanson avec la fameuse « La Bicyclette » de Yves Montand, le cinéma avec des films tels que La Grande Vadrouille dans lequel Bourvil et de Funès fuient la zone occupée à vélo pendant la seconde guerre mondiale, les films d’animation avec les fameuses « Triplettes de Belleville »… après la baguette et le béret, la bicyclette est définitivement un accessoire du patrimoine graphique représentant la France !
Cependant, avec la démocratisation de la voiture individuelle dans les années 1950, sa pratique fut un temps délaissée. Il faudra attendre le début des années 2010 pour qu’il revienne sur le devant de la scène : déploiement de pistes cyclables temporaires, mise en place puis revalorisation de l’indemnité kilométrique, inauguration du « coup de pouce vélo »… de nombreuses mesures ont récemment été proposées par le gouvernement dans le but de démocratiser sa pratique en tant que moyen de transport quotidien.
Mais le vélo peut aussi être utilisé à bien d’autres fins, comme le montre l’apparition du vélo tourisme.
Le vélo tourisme : une affaire qui roule
L’Hexagone est bien conscient de cette demande grandissante et tente d’y répondre en dynamisant son réseau de pistes cyclables : la ViaRhôna reliant Genève à Sète, la Loire à vélo permettant de joindre Nantes depuis Nevers, la Véloscénie rattachant Paris au Mont Saint Michel, la Vélo Francette de Ouistreham à La Rochelle… Tous les ans apparaissent de nouveaux tronçons, toujours mieux aménagés et toujours plus empruntés !
Un site, « Vélotourisme », est même dédié à cette nouvelle façon de voyager. Cartes, conseils d’hébergements, idées de séjours… cette plateforme regroupe toutes les informations nécessaires pour partir à l’aventure en vélo sur les 15 000 km d’avenues vertes qui composent le réseau français.
Pour ceux et celles qui souhaitent aller plus loin, les véloroutes n’ont pas de frontières : Paris-Londres, Amsterdam-Menton… l’Europe se met aussi aux voies vertes avec la démocratisation des Eurovéloroutes.
Via un réseau de 90 000 km de pistes cyclables, l’Union Européenne offre aux voyageurs la possibilité de traverser l’Europe à vélo en joignant des villes très éloignées, à l’image de l’Eurovéloroute 1 « La côte Atlantique » qui relie le Cap Nord, en Norvège, à Sagres, ville située à l’extrémité sud du Portugal, pour une distance de 8 186 km.
Certains tracés ne sont pas encore aboutis, mais la Fédération Européenne des Cyclistes (EFC) y travaille activement. Chaque nouvelle année s’accompagne de nouvelles inaugurations. La dernière en date est l’Eurovéloroute 14 « Lacs et rivières d’Europe centrale ». Inaugurée le 15 juin 2020, cette piste cyclable de 1 125 km relie le Lac de Velence, en Hongrie, à celui de Zell Am, en Autriche.
Une chaîne de convivialité
Le vélo a de nombreux avantages :
- économique car il n’a pas besoin de carburant pour avancer ni de contrôle technique pour circuler,
- écologique car il ne rejette ni gaz à effets de serre ni particules fines,
le vélo semble être un incontournable de notre siècle. Pour autant, le vélo a bien d’autres qualités, parfois moins connues. - Il permet de nouer facilement des liens avec ses compagnons de route. « Vous venez d’où vous ? », « Vous dormez où ce soir ? », « Vous aussi vous vous êtes perdus en traversant la base de loisir de Cergy Pontoise ? Pas très bien indiquée la route à suivre ! »… comment résister à l’envie d’initier la discussion à une bifurcation complexe ou après une montée très raide ? L’effort délie facilement les langues, comme si l’essoufflement n’avait pas de frontières.
La crevaison, elle, n’en a vraiment aucune : support matériel (rustines, colle, chambre à air…) ou humain, réconfort moral, encouragements… les soutiens prennent différentes formes, mais personne n’y coupera. Pas plus qu’au traditionnel « bonjour » de la main à chaque compagnon de route croisé sur les pistes.
Cet usage, qui nous semble si banal sur un bicycle, l’est-il vraiment ? Sûrement pas, car peu d’automobilistes se prêtent au même jeu sur la route…
Ces relations, entre les sportifs avérés ou du dimanche sont étranges. Même si ne sont connus ni les noms, ni les prénoms et encore moins les professions, le lien est bien présent, comme l’illustre le trajet de retour dans le train une fois la piste achevée. Regards de côté, sourires du coin des lèvres, entraide pour fixer les vélos au mobilier… ce retour prend des airs de derniers jours de colonie de vacances ! - Les langues se délient également très facilement avec les locaux. À l’instar de Cécile* et Jean qui, assis sur un banc à l’entrée d’un champs, aiguillent les voyageurs : « normalement la piste cyclable prend à droite, mais si vous coupez à travers champs, c’est plus joli et vous n’aurez pas de circulation… Oui oui, j’en suis sûr, vous pouvez nous faire confiance, on vit ici ! Sinon, vous faites ça souvent ? Et comment vous faites pour le logement ? Nous, on part souvent en randonnée, mais on n’a jamais essayé le vélo. Ça fait plusieurs fois que je dis à Cécile : on devrait se lancer ! ».
Qui sait ? Peut-être qu’un jour ce seront Jean et Cécile sur un tandem qui donneront leurs « bon conseils » sur comment voyager à vélo à des observateurs du dimanche, au détour d’une piste cyclable !
Finalement, voyager à vélo augmente considérablement la bienveillance : celle des passants, des autres voyageurs, des automobilistes… Tous sont plus enclin à partager leurs petits secrets.
« Moi, j’ai toujours eu un rêve : rejoindre le Puy-en-Velay via le Chemin de Saint Jacques de Compostelle. Il y a un départ tout à côté d’ici ! Une année, je me suis même lancé. J’ai dit à Josiane : « Je pars, je t’appelle quand j’en peux plus pour que tu viennes me chercher », à peine 15 km plus tard je lui demandais de venir… Mais un jour je le ferai ! » raconte Jacques, gérant d’une chambre d’hôtes dans l’Eure. Sur la véloroute reliant Paris à Londres, ce personnage haut en couleurs partage ses rêves en lavant son garage, pour la première fois depuis des années, pour nous permettre de ranger nos vélos à l’abris, le temps d’un séjour.
Nous aurait-il raconté cette histoire si nous étions arrivés en voiture ? Aurait-il pris le temps de ranger son garage en échangeant avec nous ces quelques mots ?
Je suis convaincue que non : nous aurions uniquement récupéré les clefs de la chambre et serions montés nous reposer, sans échanges particuliers.
… Et votre goût du voyage prend une nouvelle direction
Voyager à vélo, c’est aussi l’occasion de découvrir des villes et villages oubliés, sortis d’un autre temps.
Ceux qui ne sont que des sorties d’autoroute en voiture deviennent un aboutissement à vélo : 3km de montée pour arriver à Wy-dit-Joli-Village dans l’Eure, difficile d’oublier son nom !
Et pourtant, aucun supermarché, aucun bureau de poste, pas même un bar… à peine une fontaine au centre du village laquelle, via une affiche réalisée par les écoliers locaux, invite les voyageurs à remplir leurs gourdes pour mieux repartir !
Avec le vélo, « on prend le temps de voyager, alors qu’avec la voiture, tout va trop vite, on n’apprécie pas le paysage de la même manière ». Jacqueline et André se sont essayés pour la première fois au tourisme à vélo. Ils ont loué une chambre d’hôtes à quelques dizaines de kilomètres de chez eux et sont partis, vélos sur le toit, dans l’optique, une fois arrivés, de sillonner la région, « la voiture au garage ».
Rencontrés sur le parvis du château d’Heudicourt, ils semblent ravis de leur initiative et surtout motivés à recommencer très prochainement.
C’est vrai qu’à vélo on va moins loin et on va moins vite : difficile à concevoir dans un monde où l’homme recherche constamment à gagner du temps et à optimiser ses déplacements !
Pourtant, le concept compte de plus en plus d’adeptes et pas uniquement pour le tourisme. Certains y voient une nouvelle façon de voyager à l’image d’André, vivant à Vienne dans l’Isère, qui, depuis quelques années, a pris l’habitude d’aller rendre visite à son frère à Viviers (Ardèche) à vélo. La route est plus longue et plus fatigante certes, mais quel accomplissement !
Équipé d’un vélo électrique, il parcourt les 132 km en deux jours, marquant une étape en chambre d’hôtes. En voiture, il aurait mis moins d’une heure et demie. Mais pour lui, le voyage est bien plus agréable ainsi, car cela lui permet d’apprécier le paysage et de rendre la route plus conviviale.
Là où traditionnellement le trajet est vu comme un moyen : le début ou la fin d’un voyage, il en devient partie intégrante.
Le tourisme à vélo : quelques réglages à faire
Et pourtant, il reste encore à faire…
« Tous les dimanches soirs, c’est la même chose : ils nous mettent un petit train alors qu’on a plein de cyclistes ! » râle un contrôleur SNCF en voyant que les vélos envahissent chaotiquement les wagons, faute de place. Les vélos s’emparent de tous les espaces libres : accrochés aux poignées, aux sièges pliants, aux rambardes, aux places pour personnes handicapées…
Les pistes cyclables se démocratisent, certes, mais les services annexes ont du mal à suivre la tendance : très peu de places sont disponibles dans les TER et les intercités et aucune place vélo n’est réservable dans les TGV à heures de pointes ou en période de grande affluence, comme pendant les vacances d’été.
Or, la démocratisation du vélo tourisme ne peut se faire qu’avec l’aide du train et donc avec l’adaptation de son mobilier. Actuellement, un intercité standard peut accueillir entre 3 et 6 vélos. Ça peut paraître beaucoup et pourtant les espaces sont vite remplis les dimanches soirs ou les fins de week-ends prolongés : randonneurs du dimanche, étudiants sur le chemin du campus… toutes les raisons sont bonnes pour prendre son vélo.
Les espaces vélos dans les trains sont également un sujet : pas facile d’arriver à porter son vélo au dessus de sa tête en le pivotant de 90°, pour le suspendre aux portiques mis à disposition… surtout quand ce dernier est équipé de sacoches latérales contenant ravitaillement, habits ou autre nécessaire de voyage, quand l’on vient de parcourir quelques centaines de kilomètres et que le train est en marche ! Même pour les plus robustes, la tâche est ardue !
Quel cycliste ne s’est pas alors demandé « pourquoi les constructeurs de trains n’ont pas conçu des locals à vélos plus ergonomiques et surtout plus près du sol… ? ».
Une amélioration de la location longue durée de vélo est également à prévoir, avec la proposition de services complémentaires comme la possibilité d’emprunter un vélo dans une ville et le restituer dans une autre pour éviter aux voyageurs d’avoir à revenir sur leurs pas.
Ce service est déjà mis à disposition sur certaines véloroutes à l’instar de la Loire à Vélo où des réseaux de location inter-communes se sont développés. Toutefois, l’offre est encore bien maigre et le surcoût engendré est relativement important : les frais de la location à la semaine sont quasiment doublés si la restitution se fait dans une autre ville.
Pour finir, pourquoi ne pas pousser l’expérience encore plus loin et démocratiser, à l’image des stations services pour voiture, des aires de repos pour cyclistes, équipées de pompes en libre service ou de petites supérettes vendant le matériel de base du « vélotouriste » : chambres à air, pneus, gourdes, kits anti-crevaison, outillages… ?
La présence sur le bord des routes de pompes à essence ne nous interpelle plus, peut être qu’un jour il en sera de même pour les stations cyclistes ?
Partir sans frein
J’espère que ces quelques lignes auront éveillé en vous la curiosité de découvrir le tourisme à vélo !
N’hésitez plus, enfourchez votre bicyclette et lancez vous ! L’aventure est inoubliable et vous permet de redécouvrir un commun bien trop souvent laissé aux automobilistes : la route.
* Les noms ont volontairement été changé dans l’ensemble de l’article.
Journaliste : Laurie
Sources utilisées pour rédiger cet article :