Margaux Villebrun, Ingénieur agronome et chargée de projets chez 1001 légumes, raconte son parcours : ce qui l’a motivée à orienter sa vie professionnelle vers l’agriculture et ce qui lui a fait choisir de gérer, aujourd’hui, un potager pédagogique, conservatoire de variétés anciennes. Inspirant.
“{…} le fait d’avoir les mains dans la terre, dans le concret, de produire des semences, de multiplier des variétés anciennes et essayer de les valoriser sur le territoire, sensibiliser les maraîchers locaux et travailler en partenariat avec des restaurateurs pour diffuser ces variétés et voir si elles plaisent au grand public. C’est tout ça qui me porte et qui pour moi a du sens.”
Margaux Villebrun a 27 ans. Elle a vécu 15 ans en Belgique où elle a fait des études d’ingénieur agronome. Depuis presqu’un an, elle vit en Normandie, dans l’Eure, où elle travaille dans l’association 1001 légumes.
Parlez-nous de cette association “Mille et un légumes”, Margaux Villebrun !
Margaux Villebrun : “L’association 1001 légumes, c’est avant tout un projet qui a été développé par des personnes qui voulaient redynamiser et développer leur territoire rural ; ce territoire était labellisé Zone de Revitalisation Rurale (ZRR). La volonté initiale était donc de valoriser les dimensions d’animation socio-culturelle et de jardinage au service du territoire. Grâce à cela, différentes personnes se sont fédérées pour créer cette association.
Au départ, en 2008, il y a eu un potager pédagogique qui s’est voulu également un conservatoire de variétés anciennes de légumes. Il y a eu ensuite l’installation d’un maraîcher qui vend ses paniers de légumes chaque semaine dans une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne).
Aujourd’hui, nous avons également une activité de recensement de la biodiversité locale, au niveau des zones humides et sensibles afin d’inventorier les populations de faune et de flore sur le territoire.
Par ailleurs, nous faisons aussi beaucoup d’animations pédagogiques dans les écoles ou sur place, tant pour les scolaires que pour d’autres publics.
Nous avons enfin un rucher école au sein de l’association qui organise des week-ends de formation pour les apiculteurs.
Aujourd’hui, l’association compte cinq salariés : le directeur, le maraîcher, le responsable pédagogique, le responsable biodiversité et le responsable potager et conservatoire. Et nous avons 121 adhérents avec une trentaine de paniers vendus chaque semaine via l’AMAP.”
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire des études dans l’agriculture ? Quel est donc le parcours qui vous a emmené, aujourd’hui, à travailler au sein de 1001 légumes ?
M. V. : “Je me suis orientée vers l’agriculture parce que j’avais à cœur de faire un métier qui soit orienté vers la nature – Il faut dire que dès le lycée, j’aimais bien les SVT (Sciences de la vie et de la Terre). En Belgique, ce type d’études sont nommées “bioingénieur” et ce nom m’a bien parlé. Et puis, j’ai visité l’université ; elle est située dans les locaux d’un ancien monastère – c’était magnifique ! – j’ai donc étudié là et cela m’a beaucoup plu.
Pendant mes études, j’ai eu des conférences de Pierre Rabhi et Pablo Servigne pour ne citer qu’eux. Ca m’a sensibilisé à une autre forme d’agriculture. J’ai également fait un stage Erasmus aux Pays-Bas avec des cours de permaculture au niveau universitaire. Enfin, j’ai réalisé mon mémoire de fin d’études à la ferme du Bec Hellouin.
Voilà comment je me suis retrouvée dans ce domaine de l’agriculture alternative et durable.
J’ai commencé à travailler dans l’agriculture urbaine à Bruxelles pendant deux ans. Là, je me suis rendue compte que ce n’était pas l’agriculture durable dont j’avais entendu parler auparavant. Si j’ai trouvé l’agriculture urbaine très intéressante dans sa dimension pédagogique, le côté durabilité me posait question dans le sens où l’on utilisait beaucoup de matières et d’intrants pour faire pousser ce qu’il y avait à faire pousser sur les toits urbains, sans réel recyclage, sans solution cyclique : il fallait sans cesse réapprovisionner.
Je me suis donc réorientée ; sachant que j’aimais beaucoup le côté pédagogique, j’ai pu trouver un travail dans une association qui faisait des animations scientifiques dans les écoles. Puis la crise du Covid est arrivée, je suis alors passée en chômage partiel. J’en ai donc profité pour aller voir des amis, et notamment ceux que j’avais rencontrés aux Journées Paysannes. C’est là que j’ai atterri en Normandie pour visiter le projet de l’École des semeurs où j’ai fait un peu de bénévolat, ce qui m’a permis de rencontrer pas mal de personnes très inspirantes et notamment l’association 1001 légumes. Ca tombait bien : elle cherchait quelqu’un pour gérer le potager conservatoire !”
En quoi cet engagement professionnel a du sens pour vous ?
M. V. : “Ce qui me porte dans mon métier, c’est le fait d’avoir ce côté pédagogique. C’est très gratifiant de voir les enfants se poser des questions et être parfois beaucoup plus en avance que certains adultes dans la réflexion sur notre rapport à la nature et à l’écologie. Il y a également le fait d’avoir les mains dans la terre, dans le concret, de produire des semences, de multiplier des variétés anciennes et d’essayer de les valoriser sur le territoire, sensibiliser les maraîchers locaux et travailler en partenariat avec des restaurateurs pour diffuser ces variétés et voir si elles plaisent au grand public. C’est tout ça qui me porte et qui pour moi a du sens.”
Vous nous parlez de l’association “Les Journées Paysannes”, pouvez-vous nous en dire plus ?
M. V. : “J’ai découvert Les Journées Paysannes il y a un an et demi. C’est une association qui a une trentaine d’années maintenant. Elle est née de l’initiative d’un agriculteur et d’un prêtre qui ont constaté le désert spirituel et la solitude dans le monde rural. Ils ont ainsi commencé à rassembler les agriculteurs autour de leur foi et de leur métier, et c’est comme ça que sont nées Les Journées Paysannes. J’ai assisté aux 30 ans des Journées Paysannes l’année dernière : les membres se rassemblent le temps d’un week-end pour partager des moments conviviaux et spirituels, ponctués de conférences et d’enseignements sur l’agriculture, la paysannerie et sur notre lien spirituel à la terre.
D’ailleurs, il y a aussi une branche “jeunes” qui s’est formée il y a 3 ans et qui organise aussi son week-end annuel à Nouan-le-Fuzelier. Cette année, le thème est “La juste rémunération du travail agricole”. Nous aurons des intervenants de haut vol : François de Kerimel, agriculteur pionnier de la vente directe au sein de sa ferme, un moine de l’Abbaye de Maylis qui va nous parler de la gratuité et de l’économie monastique, etc. Une bonne occasion de partage, de convivialité, des repas gargantuesques avec toutes les spécialités des uns et des autres… !
Ce prochain week-end aura lieu le 2-3 octobre 2021. Il s’adresse à tout le monde : ceux qui s’intéressent aux sujets de la paysannerie, de l’ancrage dans le territoire, de notre lien à la terre, etc.”
Pour en savoir plus : http://www.1001legumes.com