Arthur Huguet du Lorin, formateur au centre d’hébertisme d’Orléans, raconte comment il a plongé dans “la méthode naturelle” – autre nom de l’hébertisme -, ce qui lui plait dans cet art de vivre intégral et les fruits qui en découlent. Vidéo issue d’un webinar organisé en juin 2022.
Désir d’enfant, choix d’adulte
Arthur Huguet du Lorin : “Je suis tombé dans l’hébertisme au berceau. De fait, l’année même de ma naissance, mon père, professeur d’EPS, découvrait l’hébertisme. Je n’ai eu le droit de pratiquer l’hébertisme qu’à partir de 8 ans, ça n’est pourtant pas l’envie qui me manquait.
Jusqu’au lycée, l’hébertisme est resté pour moi une pratique physique comme une autre. Mais en questionnant le sens que je voulais donner à ma vie, j’ai redécouvert l’infinie richesse de l’hébertisme, non plus uniquement sous l’angle de la pratique physique, mais également d’une philosophie de vie.
L’hébertisme est devenu un moyen de donner du sens à tout ce que je fais, grâce à cette dimension de “se mettre au service” et à cette façon de se préparer à affronter les événements qui pourraient survenir. C’est aussi un catalyseur du développement personnel en favorisant la confiance en soi, le courage, la prise d’initiatives. C’est une réelle école du vivre-ensemble.
Naissance et fondements de l’hébertisme
L’hébertisme est une méthode d’éducation physique inventée par Georges Hébert au début du 20ème siècle. La « légende » dit qu’il en aurait cristallisé le projet suite à l’éruption de la montagne Pelée en 1902, catastrophe qui provoque 30,000 morts. La Marine avait demandé l’évacuation du village à plusieurs reprises. Mais à cause d’élections municipales, les autorités n’auraient pas obtempéré…
La Marine a pu sauver quelques habitants, notamment grâce aux fusiliers que commandaient Georges Hébert, particulièrement bien entraînés. Une quarantaine d’hommes en ont sauvé plus de 800 !
Georges Hébert fit ici le constat d’un décalage entre le monde réel et celui qu’il décrit comme “pseudo civilisé”. Lors de l’éruption, il constate qu’il y a eu trois types de personnes :
– celles physiquement faibles, sidérées par le drame qui se joue,
– celles physiquement fortes, qui ne réagissent pas car elles ne sont pas préparées mentalement et restent figées face au danger (alors qu’elles pourraient trouver des solutions),
– celles qui ont une présence d’esprit plus forte, qui ont survécus grâce à de bons réflexes (refuge dans des grottes, etc.)
Il remarque que les indigènes (homme et femmes) qu’il rencontre à l’occasion de ses nombreux voyages, ainsi que les gabiers (ses marins spéciaux des voilures de la marine), sont des êtres parfaitement bien développés sur les plans physique et mental.
Il souhaite donc former des êtres physiquement mais aussi mentalement forts : “être fort pour être utile”.
Les 3 axes de la méthode naturelle
Les axes physique, éthique et mental sont les fondements de la méthode naturelle.
- L’axe physique : la plupart des sports ont des mouvements spécifiques, faisant travailler certains muscles, sous certaines conditions. La méthode naturelle, à l’inverse, est complète : marcher, courir, grimper, sauter, s’équilibrer, lancer, lever, se défendre, nager. Au badminton, par exemple, on va travailler le bras droit principalement, pour se placer, renvoyer la balle, etc. En méthode naturelle, on va travailler les deux bras, l’ambidextrie…
- L’axe éthique : comme dans les sports collectifs, on retrouve dans la méthode naturelle le travail d’équipe. Mais l’affrontement (s’il y a) contre un danger environnemental, animal ou humain, reste toujours secondaire comme enjeu par rapport à la cohésion de l’équipe. Ce qui mobilise l’équipe, c’est l’ascension vers un but commun, pendant toute la séance.
Par ailleurs, le moniteur s’applique à élever les participants, se rapprocher de la nature, favoriser l’émulation du groupe. La grande différence avec les autres sports collectifs est dans la finalité de l’entraînement : Le tout (l’entrainement) soumis à une idée dominante : l’altruisme. - L’axe mental : on retrouve dans la méthode naturelle le dépassement de soi, l’endurcissement aux intempéries, l’endurance, la résistance aux éléments naturels, le développement du sang froid, le développement du coup d’œil, l’esprit d’initiative, le goût de l’effort…
L’hébertisme pour compenser la sédentarité
Le mode de vie sédentaire a des effets délétères sur la santé, sur le plan physiologique en premier lieu, et aussi – de manière très importante – sur le plan psychologique. Les incidences sociales bien connues aujourd’hui sont assez catastrophiques.
Notre corps est fait pour bouger, pour avoir une dépense énergétique. L’activité physique proposée par l’hébertisme va venir apporter un confort corporel et la joie de “bouger”.
Nous sommes également des êtres de relations. L’hébertisme se pratique le plus souvent en équipe, avec tout âge : personnes âgées, écoliers, sportifs ou peu sportifs, peuvent même pratiquer ensemble. c’est une activité intergénérationnelle.
La méthode naturelle propose aussi repos intellectuel et ressourcement dans la nature.
L’hébertisme tâche donc de compenser la sédentarité par la pratique physique en extérieur, à plusieurs. Tout ceci en favorisant l’altruisme. L’aventure se vit idéalement dans la nature mais peut également avoir lieu dans un espace restreint (l’entraînement qu’on appelle “en plateau”). Les séances vont de 20 minutes à une heure, avec des groupes mixtes de 5 à 36 personnes.
Ce qui se passe concrètement dans une séance
Peu importe l’espace que vous avez, l’action sera très variée.
J’aime bien inventer une histoire pour animer la séance, mais ça n’est pas une obligation. Par exemple, le groupe est en réalité une tribu de « primitifs » qui part en quête de nourriture (Georges Hébert s’est beaucoup inspiré de ce que l’on appelait à son époque « les primitifs » pour créer la méthode naturelle). On court un peu et, subitement, on essuie une attaque : il faut s’arrêter, esquiver, se plaquer au sol, courir plus vite, moins vite, marcher… Pour une version « cueilleur », on va devoir ramper sous une barrière pour passer dans une zone sécurisée, puis escalader un arbre pour cueillir des fruits. On continuera ensuite en quadrupédie sur une poutre en hauteur, pour apprendre l’équilibre et dominer le vertige. Puis, Pour une version plus « chasseur », nous saisissons nos javelots pour chasser le mammouth qui apparaît… L’histoire, la géographie et les contes laissent aussi mille un autre sujet adapté à la pratique de la méthode naturelle. Quand on veut créer un entraînement, on essaie de s’imaginer dépourvu de trop de moyens technologiques afin de favoriser au maximum l’entraide, la créativité et l’innovation avec un minimum de matériel. On peut être amené à se demander : qu’est-ce que je ferais pour survivre ? La séance finit souvent de façon amusante. On peut imaginer qu’il n’y a pas assez de nourriture pour tout le monde et qu’alors, on se bouscule un peu pour essayer de récupérer une balle bien cachée dans la main d’un de nos partenaires !
La nature comme terrain de jeu
Pour Georges Hébert, le cadre naturel est le cadre créé pour l’homme, dans lequel il est fait pour évoluer. Nous privilégions donc la pratique de l’hébertisme dans un cadre naturel, car c’est là qu’on a les meilleurs effets. Mais la méthode peut aussi se pratiquer dans un cadre urbain. D’ailleurs le “parkour” – une pratique urbaine développée par Sébastien Foucan – s’en est beaucoup inspiré, c’est un fils de l’hébertisme. L’objectif est d’apprendre à se déplacer en ville à la manière des Yamakasi qui courent sur les toits, franchissent des murs…
Cependant, la nature nous permet de nous ancrer dans la réalité. Avoir les pieds dans l’herbe permet de mieux comprendre notre environnement ; et cette meilleure compréhension de notre environnement naturel permet aussi de mieux comprendre notre environnement artificiel.
Fruits et bienfaits de la méthode naturelle
J’ai demandé à ceux qui pratiquent l’hébertisme avec moi ce que leur apporte l’hébertisme.
- Amaury parle de la joie, la santé, la force, l’endurance, la souplesse, la capacité à aider, le mental fort, la confiance en soi que lui apporte cette pratique.
- Félicité est une jeune maman à qui l’hébertisme apporte la joie de pratiquer une activité physique sans pression, en plein air, avec ses enfants et ses amis, dans un esprit “de développement physique intégral et personnel” – toutes les dimensions de l’être sont vraiment sollicitées quand on pratique la méthode naturelle. Elle ressent toute la satisfaction d’un sport qui lui sera utile dans la vie de tous les jours, avec une estime de soi renforcée (les objectifs sont atteignables grâce à l’effet de groupe) et une bonne fatigue à la fin de chaque séances.
- Tina a retrouvé la santé, les docteurs lui donnaient peu de temps à vivre avec sa maladie cardiaque : “aujourd’hui, je vis bien ! Je peux enfin jouer avec mes petits enfants à quatre pattes et sauter par-dessus une barrière, ce qui m’était impossible avant !”
- Cela m’a permis de me sauver d’une situation de poursuite où j’ai senti le danger et j’ai gardé mon sang-froid sans paniquer pour fuir très rapidement !
- De mon côté, j’ajouterai un fruit qui me touche particulièrement : le sentiment de liberté. Le fait d’être libre s’illustre d’abord dans la séance : je suis libre de la concevoir comme je veux et chaque participant est libre de la pratiquer comme il veut.
Mais ça impacte ma liberté personnelle : je me sens libre de dire pleinement oui ou non à ce que l’on me propose.”
Vos questions / remarques à la fin du webinar
Jusqu’à quel âge peut-on pratiquer l’hébertisme ?
Arthur Huguet du Lorin : En France, le pratiquant le plus âgé a 94 ou 96 ans. C’est une femme, et elle pratique au Centre Hébertiste Nantais. C’est d’ailleurs le centre Hébert avec la moyenne d’âge la plus forte. Ils ont une santé assez extraordinaire. Ils marchent sans souci, ils courent, même si passée la barre des 90 ans, ça devient plus compliqué. Mais cela permet de renforcer la qualité des articulations, de les entretenir. L’être humain est fait pour bouger, contrairement à la machine. Il s’entretient par le mouvement et par “la bonne usure” : plus on fait bouger ses articulations, plus elles s’entretiennent. Les muscles c’est pareil, ainsi que la machine physiologique (le cœur, les vaisseaux, les poumons).
Plus vous pratiquerez, plus vous serez en meilleure santé mentalement et physiquement. Ça ne sert à rien d’avoir des muscles et des articulations en bonne santé si votre cœur n’est pas en bonne santé. Votre cœur ne suivra pas, vous ne pourrez rien faire et vous retrouverez avec un respirateur.”
Vous conseillez quelle fréquence d’entraînement ?
“En sport, la pratique de haut niveau est estimée à 12 à 15 h d’entraînement par semaine. Pour l’hébertisme, je conseillerai de commencer par une séance par semaine, d’une durée allant de 20 minutes à 1 heure. Avec une heure de pratique par semaine, sur un an, on constate de très beaux effets !
Georges Hébert, lui, préconise deux cycles de 12 semaines, de 3 à 5 séances par semaine. Soit deux ou trois séances par semaine, dans une année. L’hébertisme est très efficace. Je vous préviens : vous ressortirez de la première séance en vous disant que vous ne saviez pas où se trouvait ce muscle !
Où peut-on pratiquer l’hébertisme ? Est-ce qu’on peut le pratiquer devant son écran ?
L’hébertisme peut se pratiquer à peu près partout en France. Nous avons des moniteurs et des Centres Hébert dans les grandes villes : Paris, Orléans, Angers, Nantes, Toulouse, Périgueux, etc. Vous pouvez trouver la carte des moniteurs Hébert ou bien sur notre site web (page des label). Si vous ne trouvez pas de moniteurs, je ne peux que vous conseiller de vous former ! C’est une formation sympa, qui donne des compétences intéressantes tant physiques qu’humaines.
Pendant le confinement, nous avons lancé toute une série d’entrainements à faire devant son écran. Vous pouvez les trouver sur la chaine YouTube du Centre Hébert d’Orléans, Hébertisme Production. Vous y trouverez plusieurs vidéos d’entrainements, comme l’entrainement dans une chambre, l’entrainement dans un escalier, etc.
Vos commentaires, en fin de webinar :
- Nicolas : Merci, c’était passionnant !
- Blandine : Ça m’évoque la liberté et la sécurité !
- Patricia : L’hébertisme c’est être en harmonie avec soi, avec les autres et avec la nature !
Découvrir le webinar de mai 2022 : OUI : vous avez du talent !