Gérard Langlois-Meurinne, psychiatre, psychothérapeute, propose régulièrement une chronique du Mycelium, réflexion axée sur l’écologie humaine. Il propose ci-dessous la piste n°21 de réenchantement du monde : “un voyage au domaine du merveilleux”.
Je poursuis cette chronique en dépit des troubles qui agitent notre époque et qui nous affectent. Car, en effet, monte en moi chaque jour un élan d’émerveillement devant ce que nous offre la vie et devant les richesses profondes de notre humanité, à mettre inlassablement en œuvre.
Gérard Langlois-Meurinne
Piste n°21 : “un voyage au domaine du merveilleux”
Suite à ces temps de fête – temps de renouvellement – je vous propose un petit voyage au « domaine du merveilleux »… merveilleux qui est déjà là, ne l’oublions pas, aussi bien autour de nous qu’au cœur de nous.
Voici donc un conte pour petits et grands qui peut nous inspirer et nous aider à nous renouveler :
Le cœur du monde et la source pure
« À un bout du monde, loin des mers et des rivières, par-delà les bois, les champs et les plaines glacées, se dresse une haute montagne. Elle est si éloignée des hommes qu’aucun mortel ne l’a encore aperçue et elle s’élève jusqu’au firmament. Ses flancs ne présentent pas la moindre fissure et sont lisses comme le verre.
À un endroit seulement, à son sommet, la pierre est fendue. Là s’ouvre une petite cavité d’où jaillit une source d’eau pure.
À l’autre bout du monde, caché aux hommes, se trouve le cœur du monde.
Car le monde a un cœur, comme chaque animal et chaque chose. Tout en battant, le cœur du monde observe la source pure. Il la regarde sourdre du sommet de la montagne, soupire après elle, languissant d’un grand amour, mais il ne peut l’approcher.
Si le cœur du monde bougeait un tant soit peu de sa place, il cesserait alors de voir le mont et sa source pure. Celle-ci disparaissant de sa vue, son pouls s’arrêterait aussitôt. Le cœur mourrait de chagrin et le monde avec lui car, si quelqu’un perd son cœur, il perd aussi la vie.
C’est un charme puissant et mystérieux qui lie la source pure au cœur du monde.
Le cœur ne peut vivre sans la source, mais la source elle-même se dessécherait sans le cœur. Car à chaque crépuscule, il lui fait un cadeau : un jour, un seul jour, pendant lequel elle peut continuer de jaillir.
Lorsque le jour s’achève, la source claire se met à chanter. Seul le cœur du monde entend sa voix et il répond à la source lui aussi en chantant. Ses mélodies sont étranges et fascinantes. Elles n’ont ni paroles ni notes, aucune tonalité de joie, ni de chagrin. La trame des chansons de la source pure et du cœur du monde est formée de fils de lumière qui s’élèvent dans l’azur, traversent les sept cieux pour se déployer très haut, au-dessus de la terre, en un réseau de splendeur et d’éclat.
Jour après jour, un ange s’approche de cette trame pour en tisser le jour suivant. Une fois son travail terminé, il envoie le jour au cœur du monde qui l’offre à la source claire, de sorte que celle-ci peut jaillir jusqu’au prochain crépuscule.
L’ange divin qui tisse dans la trame lumineuse le jour nouveau doit être, lui aussi, recréé chaque fois. Ce sont les bonnes actions qui forment sa tête, son corps, ses mains, ses jambes, mais les mauvaises le détruisent.
Si les gens s’aident et vivent dans la paix de dieu, ils permettent à l’ange de naître.
Mais, s’il se trouvait un jour sur terre plus d’hommes qui tuent, volent et mentent, l’ange n’apparaîtrait plus. Nul ne rassemblerait plus les fils des chansons de la source pure et du cœur du monde pour en tisser le jour suivant. Le cœur du monde n’offrirait plus à la source son présent, celle-ci tarirait et, sans elle, le cœur du monde cesserait de battre. Alors le souffle des oiseaux, des biches et des gens s’arrêterait, les fleurs et les arbres se dessécheraient, les villes et les villages disparaîtraient, tandis que les montagnes et les vallées s’effondreraient pour ne plus jamais renaître… »
Quelques commentaires
J’ai découvert ce conte traditionnel juif en lisant un roman israélien contemporain de grande qualité : Stupeur de Zeraya Shalev.
Et puis, j’ai apprécié ce commentaire trouvé sur le net : l’aspect relationnel dans ce conte montre le vaste réseau dans lequel toutes choses et tout être sont interdépendants. Cette relation s’exprime en fonction des pensées, des intentions et des actes de tous les hommes et de toutes les femmes de cette terre et en totale relation avec un milieu vivant ; car cette terre est vivante – tous les peuples proches de la nature le disent de différentes façons.
Le but de tous les chemins spirituels est de retrouver la conscience, car sans conscience, il n’est pas d’harmonie et pas de vie réelle. La souffrance de l’être provient d’une séparation au plus profond de soi et d’une sensation de conflit. Les légendes évoquent les conflits intérieurs de l’être et poussent les hommes à partir en quête d’eux-mêmes. Le chemin du « merveilleux » peut se révéler un bon chemin. L’attention à « ce qui est » est plus profonde lorsqu’elle est accompagnée de l’interrogation et de l’ouverture au merveilleux de l’existence ».
Où est le cœur du monde en nous ?
Où est la source vive ?
Voilà deux interrogations qui peuvent faire leur œuvre en nous. Laissons-les se déposer sans hâte et en silence. Quelles soient si possible ouverture sur des temps de méditation que nous pouvons nous offrir !
Et les réponses viendront à qui sait les attendre… comme des fleurs qui vont pousser, grandir et nous montrer toute leur beauté à condition de leur donner temps, patience, eau, soleil et un amour confiant.
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